Notre enquête consacrée au secteur embryonnaire du lithium en République démocratique du Congo révèle que, si l’on ne s’y attelle pas, des risques environnementaux, sociaux et de gouvernance sérieux pourraient compromettre le secteur.
La RDC abrite des gisements de lithium en roche dure d’une importance mondiale significative. Ce minerai, composant clé des batteries, est considéré comme critique pour les technologies relatives aux énergies renouvelables. D’après les estimations, la demande mondiale de lithium pourrait être multipliée par 40 d’ici 2040, les nations les plus riches cherchant à décarboniser leurs économies. D’après les différents documents relatifs à ce secteur, la production de lithium en RDC devrait démarrer dès 2023.
Principales conclusions
Notre enquête a porté sur un échantillon de 51 concessions minières concentrées à proximité de la ville de Manono, dans le sud de la RDC, où des gisements de lithium en roche dure ont été découverts. Trois compagnies – AVZ Minerals Limited, Critical Resources Limited et Tantalex Resources Corporation – ont annoncé publiquement leur intention de mener des travaux d’exploration ou de production de lithium dans des concessions minières de la région.
Notre recherche révèle que si des mesures ne sont pas prises de toute urgence pour rendre la production de lithium conforme aux normes internationales et aux législations nationales, le secteur pourrait être gravement compromis par des risques environnementaux, sociaux et de gouvernance.
Les communautés qui vivent à proximité des sites miniers, et la population congolaise en général, pourraient subir un préjudice environnemental et économique considérable si les entreprises et les investisseurs ne divulguent pas les informations clés sur les marchés qu’ils concluent et sur l’identité des individus impliqués dans ces marchés, et s’ils ne cherchent pas à répondre aux risques environnementaux.
- Les concessions situées au sein et à proximité de gisements congolais de lithium sont ou étaient contrôlées par ou impliquent une poignée d’individus qui entretiennent des relations d’affaires étroites.
- Les informations relatives aux bénéficiaires ultimes d’une compagnie jouant un rôle clé dans ces marchés n’ont pas été divulguées ; il est donc difficile de savoir qui se trouve derrière ces transactions et qui en bénéficiera.
- Les communautés locales ne semblent parfois pas toutes bien cerner ni avoir la même conception des projets et des risques associés à l’impact des mines de lithium, y compris de leur impact environnemental.
Recommandations
Il est primordial que les organismes de contrôle, les entreprises et les investisseurs prennent des mesures de toute urgence, notamment en se chargeant de mener une diligence raisonnée proactive et durable, en appliquant pleinement les réglementations en vigueur et en modifiant celles qui sont inadéquates, et en veillant au respect des normes internationales les plus rigoureuses, faute de quoi le secteur pourrait se retrouver directement lié à des risques environnementaux et en matière de droits humains, ainsi qu’à un manque de responsabilité et de transparence.
- Les entreprises qui financent, produisent, utilisent ou font le commerce de lithium provenant de la RDC doivent s’assurer que leurs investissements et leurs opérations, de même que ceux de leurs filiales et de leurs fournisseurs, respectent les normes internationales en matière environnementale et de droits humains, ainsi que toutes les législations congolaises en vigueur (les plus contraignantes d’entre elles devant être appliquées) ayant trait à la protection de l’environnement, à la santé et la sécurité, à l’extraction et à la gestion des ressources naturelles, à la conservation des espèces sauvages, à la gestion des déchets, aux activités liées aux matières dangereuses, et à la pollution de l’air, de l’eau, des sols et des nappes phréatiques ;
- Les entreprises, y compris les investisseurs et les financeurs, se doivent d’instaurer et de mettre en œuvre des politiques et procédures de diligence raisonnable efficaces et de divulguer leurs conclusions afin de prévenir, d’identifier, d’atténuer et de rendre des comptes sur les risques environnementaux, de gouvernance et de droits humains à travers leurs opérations, y compris dans leurs chaînes d’approvisionnement et leurs relations d’affaires ;
- Le gouvernement congolais devrait veiller à divulguer tous les contrats miniers ainsi que l’identité des bénéficiaires ultimes des compagnies minières, et publier tous les paiements réalisés au niveau des projets ayant trait aux contrats miniers conclus en RDC, conformément aux normes de présentation de l’information et aux meilleures pratiques de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE), et chercher à combler les lacunes de la législation congolaise qui permettent aux hauts fonctionnaires de participer à des contrats dans le secteur extractif.
L’humanité a déjà poussé la planète au bord de la catastrophe environnementale du fait de sa gestion irresponsable des combustibles fossiles et des minerais.
Nous ne devons pas refaire ces mêmes erreurs dans le cadre de la transition énergétique verte, qui se doit d’être juste et équitable pour les communautés et les pays où sont produits les minerais nécessaires à cette transition. Les mesures urgentes requises pour faire face à la crise climatique ne sauraient être prises aux dépens de ces pays et communautés.
Les entreprises, les investisseurs et les gouvernements doivent agir maintenant pour veiller à ce que la transition énergétique verte ne s’appuie pas sur des bases déficientes.
Preview image credit: Phil Moore