Une nouvelle enquête de Global Witness révèle qu’un accord de 800 millions USD relatif à l’une mines de cuivre constituant un « fleuron » pour la République démocratique du Congo (RDC) risque de léser le pays. En violation du code minier congolais, les principaux détails de l’accord signé entre la Gécamines, la compagnie minière publique congolaise, et China Nonferrous Metal Mining Group (CNMC) n’ont toujours pas été publiés. Notre analyse conclut que les rares informations disponibles soulèvent plus de questions qu’elles n’apportent de réponses sur la valeur financière du projet pour la RDC.
Un accord douteux
CNMC, grande entreprise publique chinoise, et la Gécamines ont conclu en 2015 un accord relatif à la mine de cuivre et de cobalt de Deziwa, potentiellement gigantesque, située dans le sud de la région congolaise du Copperbelt, dans le cadre d’un marché encore plus conséquent de 2 milliards USD visant cinq projets différents. Global Witness, ayant analysé le contrat Deziwa de CNMC avec la Gécamines, émet des doutes quant à son équité pour la RDC. Citons notamment un pas-de-porte à verser à la Gécamines pour le projet Deziwa qui pourrait finalement ne se monter qu’à 50 % du chiffre promis à la compagnie aux termes du contrat.
Global Witness a également mis en évidence des informations au sujet d’un intermédiaire, Siu Kam Ng, qui en 2016 a accordé une interview aux médias dans laquelle il affirmait avoir adressé, il y a quelques années, des paiements suspects à des fonctionnaires congolais pour faciliter l’accès de CNMC au secteur minier du pays. Notre enquête montre que cet intermédiaire, bien qu’il ne soit pas impliqué dans l’accord Deziwa, détient actuellement des participations significatives dans des entreprises minières de CNMC en RDC, ce qui soulève des questions concernant les activités de la compagnie dans ce pays.
L’unique contrat disponible dans le domaine public concernant le projet Deziwa, et que Global Witness a analysé, n’est en réalité qu’un document d’accompagnement indiquant les paramètres généraux de l’accord. Les détails complets se trouvent quant à eux dans une série de sous-contrats et d’amendements gardés secrets, et ce, alors que la RDC est tenue de les publier en vertu des législations minières du pays.
Un partenariat crucial
La mine de Deziwa est entrée en production en janvier 2020, plus ou moins au moment où CNMC ouvrait une raffinerie de cuivre de grande ampleur dans la province du Lualaba. Depuis 2012, CNMC a acquis des droits relatifs à des permis dans différents lieux de la ceinture de cuivre et de cobalt de la RDC. L’ampleur de ces acquisitions et des nouvelles opérations a catapulté CNMC dans le peloton de tête des producteurs de cuivre de la RDC.
La collaboration de CNMC avec la Gécamines, cruciale pour la réussite de la compagnie chinoise en RDC, a contribué à en faire un acteur majeur du secteur du cuivre congolais. Ce rapport réunit pour la première fois des renseignements détaillés sur le partenariat entre ces deux sociétés.
Télécharger l’intégralité du rapport ici (PDF, 5.03MB)
Le cuivre est un composant clé dans un grand nombre de technologies renouvelables susceptibles de contribuer à la lutte contre la crise climatique, de même que le cobalt, sous-produit résultant de la l’exploitation du cuivre. Ces deux matériaux pourraient jouer un rôle majeur dans un avenir durable et plus équitable, à condition d’être gérés de manière responsable. Étant donné la chute mondiale des prix des matières premières et les perturbations subies dans la filière minière du pays du fait de la pandémie, il est plus important que jamais que ce secteur soit géré de manière transparente et responsable.
Recommandations
Global Witness exhorte Gécamines à respecter la législation congolaise et à publier tous les contrats et accords conclus avec CNMC, y compris les modèles financiers et les projections relatives au projet Deziwa.
Nous demandons à CNMC de passer en revue tous ses investissements en RDC afin d’assurer leur conformité aux législations minières congolaises, et de demander à son partenaire local, la Gécamines, de publier tous les contrats qu’elle a signés avec CNMC.
CNMC devrait s’assurer que tous ses investissements en RDC soient conformes aux principes énoncés par la Chambre de commerce chinoise des importateurs et exportateurs de métaux, minerais et substances chimiques (CCCMC) dans ses Directives sur la responsabilité sociale des investissements miniers à l’étranger, même s’il semblerait que la compagnie n’en soit pas membre, et qu’elle ne soit d’ailleurs pas tenue de l’être. Enfin, CNMC devrait donner des précisions sur les relations qu’elle entretient avec les courtiers et les intermédiaires en RDC et fournir des informations détaillées sur l’origine de la totalité de son cuivre et de son cobalt.