Blog | 22 Juin 2018

Quel prix Glencore paiera-t-il pour ses affaires douteuses en RDC ?

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La semaine dernière, le géant minier Glencore a réglé deux contentieux juridiques qui menaçaient ses actifs en République démocratique du Congo, acceptant de verser des centaines de millions à la Gécamines, entreprise publique congolaise au fonctionnement opaque, ainsi qu'à Dan Gertler, homme d'affaires israélien visé par des sanctions américaines. De tels accords révèlent que l'entreprise est hélas prête à prendre de gros risques pour conserver ses mines lucratives de cuivre et de cobalt, quel que soit le prix à payer.

En outre, Glencore ne peut pas continuer de payer d'énorme redevances à Dan Gertler, se soustrayant ainsi à d'importantes mesures de lutte contre la corruption ; à moins que les États-Unis ne réagissent en appliquant leurs sanctions, cela signalerait de façon alarmante que les grandes entreprises peuvent agir en toute impunité pour protéger leurs intérêts commerciaux.

La nouvelle explosive selon laquelle Glencore contournerait les sanctions américaines en payant Dan Gertler en euros plutôt qu'en dollars a fait la une de la presse économique la semaine dernière. Il est difficile de ne pas voir en cette action une tentative risquée et désespérée du négociant suisse de s'extraire d'un pétrin créé par lui-même.

Depuis 2012, Global Witness met en garde contre les risques d'un partenariat avec Dan Gertler, ami proche du président congolais Joseph Kabila. Cependant, Glencore a toujours défendu sa collaboration avec Dan Gertler, qui dure depuis dix ans, et fait la sourde oreille face aux signaux d'alarme répétés et aux questionnements sur la justification commerciale de certains de leurs accords. Global Witness a questionné la manière dont le géant suisse avait enrichi Dan Gertler et protégé les intérêts de ce dernier dans leurs contrats miniers.

Dan Gertler et Glencore ont constamment nié avoir entrepris tout acte répréhensible dans leurs transactions commerciales en RDC. Glencore a toutefois cherché à se distancer de Dan Gertler début 2017, en rachetant ses parts dans un accord à valeur d'un milliard de dollars. Mais leur entente n'a pas cessé pour autant ; Dan Gertler est toujours en droit de toucher les paiements contractuels, appelés redevances, des deux mines de Glencore en RDC. Les versements représentent un montant de 110 millions d'euros par an à partir des années 2019-20 et continueront toute la durée de vie des mines.

En décembre, le Trésor américain a sanctionné Dan Gertler et plusieurs de ses sociétés suite à des « transactions minières et pétrolières opaques et corrompues s'évaluant à des centaines de millions de dollars » en RDC. Cela a obligé Glencore à cesser de verser ses redevances à Dan Gertler, qui a immédiatement poursuivi l'entreprise devant les tribunaux de Londres et de Hong-Kong, réclamant près de 3 milliards de dollars de dommages-intérêts pour non paiement des redevances. Glencore a dû mesurer à cette occasion combien il serait difficile de s'extirper de ses engagements auprès de Dan Gertler.

Après quelques mois de négociations à l'amiable, Glencore a décidé de risquer la colère des autorités américaines en reprenant le paiement des redevances, mais en euros plutôt qu'en dollars. Cet accord signifie que Glencore va injecter des millions d'euros dans les poches d'un individu que les États-Unis accusent de corruption et d'avoir « agi en tant qu'intermédiaire lors de la vente d'actifs miniers » pour le compte de Joseph Kabila.

La nouvelle précède de quelques mois la tenue des élections présidentielles en RDC, marquées par la controverse ; selon les rumeurs, Joseph Kabila, président depuis l'assassinat de son père en 2001, prévoit de violer l'article constitutionnel qui lui interdit de se présenter pour un troisième mandat. Joseph Kabila et ses fidèles ont été accusés d'avoir manipulé les élections en 2006 et 2011; de fait, la RDC n'a connu aucune transition pacifique du pouvoir depuis son indépendance en 1960. Maintenant plus que jamais, Glencore ne doit pas remplir les poches de l'ami milliardaire de Joseph Kabila, étant donné le risque évident que l'argent versé à Dan Gertler serve à influencer le cours des prochaines élections.

Le règlement des redevances est intervenu quelques jours seulement après un autre accord, moins médiatisé, entre Glencore et la Gécamines. Cette dernière avait accusé Glencore de soumettre KCC, leur filiale congolaise, à un niveau d'endettement record. La Gécamines, qui détient 25 % de KCC, avait menacé de dissoudre la filiale, obligeant Glencore à trouver une solution.

Dans le cadre de l'accord, Glencore a versé 150 millions de dollars à la Gécamines pour le « règlement de différends commerciaux historiques » ; jusqu'à présent, ni Glencore ni la Gécamines n'ont clarifié la base sous-jacente de ce montant. Il est à craindre que le paiement ne soit rien de plus qu'une incitation à mettre fin rapidement au contentieux.

Les organisations de la société civile, y compris Global Witness, ont dénoncé à plusieurs reprises la mauvaise gestion financière de la Gécamines et les soupçons de corruption au sein de l'entreprise. Étant donné ses finances récentes en dents de scie, il est vital que les paiements à l'entreprise aient une base légitime et soient utilisés de manière transparente. Tant que la gestion financière de la Gécamines restera secrète, les 150 millions de dollars risquent fort de ne pas servir à développer les actifs miniers du Congo au profit du peuple congolais, comme ils le devraient.

Albert Yuma, PDG de la Gécamines, a récemment annoncé que l'entreprise publique prévoyait de revoir ses contrats de joint-venture avec ses partenaires. L'ONG The Carter Center s'est penchée en détail sur la façon dont la Gécamines avait signé ou réévalué les dispositions des contrats dans les années précédant les élections de 2006 puis 2011, quand les conditions étaient idéales pour détourner les bénéfices. Étant donné le contexte, Glencore aurait dû tenir compte du risque que des versements ponctuels importants à la Gécamines puissent être détournés à des fins politiques.

Les accords de Glencore avec Dan Gertler et la Gécamines ont permis de résoudre des litiges extrêmement graves qui auraient pu faire perdre à Glencore ses précieux investissements dans les secteurs du cuivre et du cobalt au Congo. Glencore ne lâchera ces mines pour rien au monde, et il n'est pas difficile de comprendre pourquoi. Le cobalt est en plein essor. La RDC est le plus grand fournisseur mondial de ce minerai, ingrédient essentiel des batteries rechargeables, et le prix du cobalt grimpe en flèche à mesure que l'industrie des voitures électriques prend son essor.

Mais cela n'autorise pas les entreprises à effectuer n'importe quel versement à n'importe qui, en espérant que cela protège leurs investissements. Les sociétés qui tirent profit des minerais en RDC, tel Glencore, doivent s'engager à soutenir des chaînes d'approvisionnement propres et transparentes et porter la responsabilité de tous les risques de corruption impliqués dans les transactions qu'elles concluent. Les pays producteurs ne peuvent endosser à eux seuls le fardeau de cette situation ; toutes les entreprises de l'industrie du cobalt doivent en assumer la responsabilité.


Exclusion de responsabilité : la version française est une traduction du document original en anglais. Cette traduction ne peut être utilisée qu’à titre de référence. En cas de divergence entre la version française et la version originale anglaise, la version anglaise fait foi. Global Witness décline toute responsabilité en cas de dommage ou préjudice causé par des erreurs, des imprécisions ou des incompréhensions de traduction.

Auteur

  • Margot Mollat

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