En République démocratique du Congo (RDC), près de 15 millions d’hectares de forêt sont actuellement consacrés à l’exploitation forestière industrielle, soit six fois la superficie du Rwanda. Les partisans de l’exploitation industrielle des forêts en RDC affirment souvent que cette activité pourrait permettre à l’État congolais de dégager les recettes fiscales dont il a tant besoin. À titre d’exemple, un document publié par la Banque mondiale en 2002 prévoyait que « les recettes fiscales (de l’exploitation des forêts)… pourraient atteindre entre 60 millions US$ et 360 millions US$ par an ».
Cependant, des documents officiels dont Global Witness a pu prendre connaissance font apparaître un manque à gagner pour le Trésor congolais de plus de 11 millions US$ dans la perception de la redevance de superficie, la principale taxe à laquelle le secteur de l’exploitation forestière est assujetti, pour les exercices 2011 et 2012.2 En 2012, les redevances de superficie perçues par le Trésor représentaient seulement 10 % du montant qui aurait dû être collecté si les taxes avaient été payées dans leur intégralité.
Global Witness estime que ce manque à gagner est en partie dû à un arrangement entre le secteur forestier et des fonctionnaires du ministère de l’Environnement, Conservation de la nature et Tourisme (MECNT) qui pourrait coûter au Trésor jusqu’à 3 millions US$ par an. Pour reprendre les termes de l’Observateur indépendant des forêts en RDC, dont la fonction est financée par l’UE, cette pratique « n’a pas d’assise juridique ».
L’évasion fiscale pratiquée de manière routinière et les arrangements fiscaux illégaux soulignent le peu de bénéfices économiques que retire la RDC de l’exploitation industrielle de ses forêts. Non seulement les précieuses ressources naturelles de la RDC sont en train de s’appauvrir, mais cette perte ne parvient pas à générer ne serait-ce que le minimum de revenus prescrit par la loi.
Ce n’est pas la première fois que les exploitants forestiers de la RDC bénéficient de généreux rabais fiscaux. En effet, pendant la crise financière mondiale, les compagnies forestières ont été dispensées de s’acquitter de la redevance de superficie pour 2009 et ont reçu une exemption de 50 % pour 2010. Mais même sans ces ristournes, les exploitants forestiers de la RDC sont déjà assujettis à une redevance de superficie le plus bas de toute l’Afrique centrale, soit 0,50 US $ par hectare. Au Cameroun, en République centrafricaine, au Gabon et en République du Congo, les taux se situent en effet entre 1 US$ et 4 US$ par hectare.
Les éléments de preuve dont nous disposons indiquent combien la RDC est lésée par son activité d’exploitation forestière industrielle. Les exigences légales génèrent le strict minimum en termes de revenus pour la perte des précieuses ressources naturelles de la RDC. Mais même ces exigences sont considérées comme trop lourdes par un secteur forestier adepte d’évasion fiscale et d’accords fiscaux illégaux.