Global Witness salue les mesures positives prises par le ministère des Mines congolais et la Commission nationale de lutte contre la fraude minière (CNLFM), mais demeure inquiète vis-à-vis des menaces et des intimidations proférées à l'encontre de la société civile et de journalistes locaux qui soutiennent la réforme du secteur minier du Sud-Kivu.
Quatre personnalités sont sous interrogation à Kinshasa suite à une enquête indépendante menée par la CNLFM, qui visait à vérifier les accusations formulées par Global Witness dans son récent rapport sur une ruée vers l’or tumultueuse au Sud-Kivu. Ce rapport, La rivière d'or, décrit les liens qui existent entre des groupes armés, le commerce de l’or artisanal et les autorités publiques du territoire de Shabunda, Sud-Kivu. Parmis les personnalités arrêtées sont Franck Menard, un citoyen français et représentant d’une entreprise privée chinoise qui a opéré illégalement pendant la ruée vers l’or, et John Tshonga, le Directeur de l’agence qui gère l’exploitation minière artisanale dans le Sud-Kivu, le SAESSCAM.
Si Global Witness salue les mesures prises par le ministère national des Mines et par la CNLFM pour faire la lumière sur les irrégularités de la ruée vers l’or à Shabunda, l’organisation s’inquiète beaucoup des menaces récentes dont ont été victimes des journalistes et certains membres de la société civile au Sud-Kivu. Global Witness a également été informé de l’ingérence de tiers dans les procédures en lien avec les quatre personnes détenues à Kinshasa. Peu après la publication de La rivière d’or, le ministre provincial des Mines du Sud-Kivu a adopté un règlement très restrictif interdisant l’accès aux sites miniers aux acteurs de la société civile sans accord exprès. Celui-ci a été levé peu après sous la pression de la société civile et du ministère national des Mines.
« Nous félicitons le ministère national des Mines et la CNLFM pour leur réaction rapide et efficace face aux faits énoncés dans La rivière d’or. Nous saluons l’enquête qui a suivi et l’audition de personnalités clés impliquées dans des activités illégales en lien avec la ruée vers l’or à Shabunda. Nous attendons avec impatience le rapport final de la CNLFM et nous espérons qu’il sera rendu public » a dit Sophia Pickles, Senior Campaigner de Global Witness.
« Cette affaire doit maintenant faire l’objet d'un procès en bonne et due forme, sans ingérence de la part de tiers » a-t-elle ajouté. « Toute menace ou intimidation vis-à-vis de la société civile en lien avec ce dossier doit cesser immédiatement. Les personnalités impliquées doivent avoir un procès juste et équitable et pouvoir bénéficier d’une représentation juridique. »
La rivière d’or a été saluée par la population et la société civile du Sud-Kivu ainsi que par des chefs locaux et la société civile à l'échelle nationale. Beaucoup de ces acteurs ont sonné l’alarme vis-à-vis de la situation tumultueuse à Shabunda dès 2014. La société civile locale a exprimé sa gratitude envers le ministère national des Mines pour l’attention qu’il a accordée à ce dossier.
« Les acteurs de la société civile ont souligné qu’ils avaient l’impression d’être mieux placés et de pouvoir davantage réclamer des comptes de la part des malfaiteurs » a déclaré Sophia Pickles.
Les quatre personnalités sous interrogation à Kinshasa sont :
- Franck Menard, un citoyen français qui travaille comme représentant de Kun Hou Mining, une entreprise privée chinoise. Global Witness a révélé qu’elle avait fourni $4 000 et au moins deux AK47 à des groupes armés au territoire de Shabunda. Les tentatives de Global Witness de contacter Franck Menard n’ont pas abouti.
- John Tshonga, le Directeur de l’agence qui gère l’exploitation minière artisanale dans le Sud-Kivu, le SAESSCAM. Global Witness a réuni des preuves démontrant que des responsables du SAESSCAM collaboraient avec des groupes armés et profitaient illégalement de la ruée vers l’or. John Tshonga a nié que des agents de son organisation étaient impliqués dans ce type d’activité.
- Michel Liete Watuta, Directeur de la division des mines du Sud-Kivu. Cette division a omis de tenir à jour les registres des exportations d’or du Sud-Kivu pendant la ruée vers l’or.
- Adalbert Murhi Mubalama, ancien ministre provincial des Mines du Sud-Kivu, sous le mandat duquel a eu lieu la ruée vers l’or à Shabunda.
Ces individus sont actuellement interrogés par l’Agence nationale de renseignements (ANR), qui décidera par la suite s’ils seront libérés ou officiellement arrêtés, selon des sources de Global Witness. La CNLFM s’est rendue au Sud-Kivu mi-septembre 2016 et a passé dix jours à rencontrer des acteurs locaux et à entendre leurs observations et leurs griefs. En plus d’avoir mis sous interrogation les quatre individus précités, elle a saisi l’une des dragues utilisées par Kun Hou Mining pour l'exploitation aurifère.
Le ministre national des Mines congolais avait déjà demandé « l'assainissement réel » du secteur aurifère artisanal du Sud-Kivu et des poursuites à l’encontre de responsables miniers provinciaux trouvés d’avoir agi illégalement, suite à la publication de La rivière d’or.
La rivière d'or, publié en juillet 2016, avait révélé que des groupes armés s’étaient vu offrir de l’argent et des armes par une entreprise minière privée chinoise et avaient dégagé jusqu’à $25 000 par mois en extorquant des mineurs locaux lors de la récente ruée vers l’or au Shabunda, Sud-Kivu. Le rapport avait également prouvé qu’en l’espace d’un an seulement, de l’or d’une valeur pouvant atteindre $17 millions, produit par l’entreprise Kun Hou Mining, s’était volatilisé, ayant probablement été exporté clandestinement du Congo vers les chaînes d’approvisionnement internationales. Dans son rapport, Global Witness exhortait les autorités minières à faire respecter la législation nationale ainsi que les normes internationales sur la gestion du secteur aurifère artisanal, et à sanctionner toute personne qui y contreviendrait.
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Rapport La rivière d’or
Comment l’État s’est retrouvé perdant lors de la ruée vers l’or dans l’est du Congo, tandis que des groupes armés, une société minière étrangère et les autorités provinciales ont empoché des millions