- Des travaux de recherche démontrent qu’entre 2013 et 2019, le secteur financier français a apporté des fonds représentant près de 2 milliards d’euros à cinq des six entreprises agro-industrielles les plus nocives impliquées directement ou indirectement dans des activités de déforestation dans les plus importantes forêts tropicales du monde. Cela fait de la France le deuxième plus gros contributeur de fonds à ces entreprises parmi toute l’UE.
- Ces révélations font suite à l’enquête La finance flambeuse menée par l’ONG de lutte contre la corruption Global Witness, enquête qui pour la première fois dresse un portrait global de la manière dont les principaux acteurs financiers soutiennent des entreprises qui détruisent les forêts en Amazonie brésilienne, dans le bassin du Congo et en Papouasie-Nouvelle-Guinée.
- Cette nouvelle analyse révèle que, depuis l’adoption par la France de la loi historique sur le devoir de vigilance en 2017, les banques BNP Paribas, Natixis et Crédit Agricole ont toutes les trois soutenu des entreprises associées à la destruction des forêts.
- Global Witness exhorte le Président Macron et le gouvernement français à prendre de toute urgence des mesures concrètes pour mettre un terme aux financements liés la déforestation.
10 février 2020 – Une enquête de Global Witness révèle l’ampleur des investissements consentis par le secteur financier français dans la déforestation mondiale, y compris par de grandes banques françaises. À la veille d’une réunion du gouvernement français qui portera sur la stratégie du pays en matière de lutte contre la déforestation associée à ses importations, Global Witness révèle que BNP Paribas, Natixis et Crédit Agricole sont toutes liées à d’importantes entreprises agro-industrielles associées à une déforestation extrêmement dommageable dans certaines des dernières grandes forêts tropicales de la planète. Les conclusions de cette enquête s’appuient sur les données divulguées dans le rapport La finance flambeuse ainsi que sur de nouvelles recherches consacrées aux banques françaises.
« Cette activité semble porter directement atteinte aux ambitions déclarées du Président Macron en matière de lutte contre la déforestation mondiale », a déclaré Laurence Duprat, conseillère de Campagne à Global Witness. « Nous avons mis en évidence des opérations financières effectuées alors même que le gouvernement français avait déjà introduit la loi sur le devoir de vigilance en 2017, qui exige des entreprises françaises qu’elles identifient, atténuent et préviennent les effets négatifs de leurs activités sur les droits humains et l’environnement. »
BNP Paribas, la première banque française, est liée à plusieurs entreprises dont les opérations présentent des risques élevés de déforestation. En juillet 2019, elle a fait partie des banques ayant coordonné une « obligation de transition » de 500 millions de dollars US pour Marfrig, le négociant brésilien en bœuf. Cette opération est intervenue alors que la déforestation dans l’Amazonie s’accélère rapidement, au profit de nombreux acteurs exploitant la forêt à des fins d’élevage ou pour l’industrie bovine plus largement.
La banque d’investissement française Natixis a apporté un montant considérable, à hauteur de 50 millions de dollars US, à une facilité de crédit renouvelable syndiquée de trois ans destinée à Olam International. Cependant, un rapport établi en 2016 a calculé que, depuis 2012, Olam a déboisé 20 000 hectares de forêts au Gabon.
Crédit Agricole apparaît également comme le « principal banquier » de Halcyon Agri, une entreprise qui exploite une plantation de caoutchouc au Cameroun sur des terres ayant fait l’objet de déforestation dans le passé.
La publication des conclusions sur ces banques françaises fait suite à une enquête publiée en septembre 2019 par Global Witness qui révélait que des pans entiers de la finance mondiale entretiennent la destruction des trois plus vastes forêts tropicales de la planète.
Certains des plus grands noms de la finance mondiale font partie des acteurs identifiés, parmi lesquels Bank of America, Deutsche Bank, HSBC, Santander, Standard Chartered et BNP Paribas. Entre 2013 et 2019, ces établissements ont financé à hauteur de dizaines de milliards de dollars des entreprises participant directement ou indirectement à la déforestation des plus grandes forêts tropicales du monde du fait de leur production de matières premières agricoles telles que l’huile de palme, le bœuf et le caoutchouc.
Les révélations faites dans le rapport La finance flambeuse sont intervenues après une période estivale marquée par une vague d’incendies en Amazonie brésilienne qui a provoqué un tollé international. Ne serait-ce que sur l’année 2018, une zone de forêt tropicale primaire d’une superficie égale à celle de la Belgique a été détruite. Environ un quart de la disparition de la forêt – qui pourrait représenter jusqu’à 78 % en Asie du Sud-Est et jusqu’à 56 % en Amérique latine – a été motivée par l’exploitation de matières premières agricoles, dont le bœuf et l’huile de palme.
Sonia Guajajara, coordinatrice exécutive du réseau des Peuples autochtones du Brésil (Articulação dos Povos Indígenas do Brasil – APIB), a déclaré à Global Witness :
« Ces dernières années, les dangers auxquels ont dû faire face les peuples autochtones de l’Amazonie et l’ensemble des biomes du Brésil se sont aggravés. L’agro-industrie est un moteur considérable de déforestation en Amazonie et est à l’origine d’un nombre croissant de menaces à l’encontre des communautés autochtones qui, à travers leur mode de vie, protègent les forêts. On nous fait taire, on nous menace, on nous emprisonne et même, on nous tue. Nos forêts sont les forêts de la planète et le monde court à leur destruction. Nous devons agir ensemble, et il ne nous reste plus de temps. La finance internationale alimente la destruction de nos forêts, de nos maisons, de nos cultures. L’année dernière, nous nous sommes rendus dans douze pays européens afin de lancer un avertissement sur la situation actuelle au Brésil et de réclamer des mesures urgentes pour lutter contre ce barbarisme. Il est primordial que les gouvernements européens adoptent une législation pour garantir que leurs banques et leurs entreprises ne soutiennent pas cette destruction. »
Laurence Duprat, conseillère de Campagne, Global Witness, a commenté :
« Le dérèglement rapide de notre climat est une préoccupation pour beaucoup – y compris pour les clients des banques. Il n’est donc pas étonnant que les banques et les investisseurs brandissent fièrement des politiques relatives aux investissements et prêts éthiques, pour donner l’impression qu’elles ne financent pas des entreprises qui abattent et incendient des forêts tropicales précieuses et contribuent au changement climatique.
Mais la contradiction est flagrante : ces mêmes institutions financières françaises ignorent à souhait leurs propres politiques. Des promesses de papier, au final. Qui plus est, elles sapent les engagements mondiaux et nationaux pris par la France à l’égard de la lutte contre la déforestation.
En tant que leader mondial de la lutte contre le dérèglement climatique et de la protection des forêts, le Président Macron doit désormais prendre des mesures urgentes et ambitieuses pour traiter la question du financement de la déforestation et provoquer un changement systémique. »
Toutes les banques et les groupes agro-industriels concernés ont été contactés pour leurs commentaires et les informations détaillées peuvent être trouvées dans le rapport.
Exclusion de responsabilité : la version française est une traduction du document original en anglais. Cette traduction ne peut être utilisée qu’à titre de référence. En cas de divergence entre la version française et la version originale anglaise, la version anglaise fait foi.
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Contacts
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Laurence Duprat
Senior Civil Society Campaigns Advisor, Forests
Infos pour les journalistes:
Les principales parties prenantes françaises, dont des représentants du gouvernement, se réunissent demain (le 11 février) à Paris pour débattre de la mise en œuvre d’une stratégie nationale pionnière sur la déforestation importée et d’initiatives parmi lesquelles l’Alliance pour la Protection des Forêts tropicales lancée par le Président Macron l’année dernière.
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