Glencore s'apprête à reprendre le paiement de redevances à Dan Gertler, homme d'affaires « corrompu », malgré les sanctions américaines.
La société Glencore a annoncé aujourd'hui qu'elle reprenait le versement de redevances au célèbre homme d'affaires israélien Dan Gertler, alors que le Trésor américain l'avait déclaré soumis à sanctions fin 2017. À moins que les États-Unis ne réagissent en appliquant leurs sanctions, la décision de Glencore montrera que les grandes entreprises peuvent très bien bafouer un décret présidentiel américain et n'en subir aucune conséquence.
« Global Witness a toujours mis en garde contre les risques d'un partenariat avec Dan Gertler et cela fait des années que Glencore défend sa collaboration avec lui. Se soustraire aux sanctions et verser des millions à Dan Gertler durant des années n'est pas une solution acceptable dans ce litige. Les autorités américaines devront demander des comptes à Glencore lorsque les paiements à Dan Gertler reprendront », a déclaré Peter Jones, militant en chef de Global Witness.
Les sanctions, imposées en représailles aux « opérations minières et pétrolières corrompues » de Dan Gertler, interdisent aux entreprises ou citoyens américains de traiter avec lui ou avec des sociétés dont il est majoritairement actionnaire. Les entreprises non américaines qui font affaire avec Dan Gertler risquent également de se voir infliger une amende ou d'être sanctionnées.
Ami proche du président congolais Joseph Kabila, Dan Gertler détient les droits aux paiements contractuels de deux mines appartenant à Glencore au Congo. Ces droits s'évaluent à des dizaines de millions de dollars par an, mais les paiements avaient été temporairement suspendus suite à l'annonce des sanctions. Glencore prévoit dorénavant de payer Dan Gertler en euros plutôt qu'en dollars US.
« Le paiement de dizaines de millions d'euros à la société de Dan Gertler met à l'épreuve de façon insolente la détermination des autorités américaines à appliquer leurs sanctions. Glencore tente de braver les mesures anti-corruption de la plus grande économie du monde comme si de rien n'était. Si Glencore ne se fait pas rappeler à l'ordre, cela envoie le message dangereux selon lequel les grandes entreprises peuvent agir en toute impunité pour protéger leurs intérêts commerciaux », note M. Jones.
« Il est temps pour les autorités compétentes d'enquêter sur les accords de Glencore avec Dan Gertler au Congo. La reprise du paiement des redevances par Glencore, malgré les sanctions américaines, montre l'impunité avec laquelle certaines grandes entreprises sont en mesure d'opérer. Cela signalerait de façon alarmante que les grandes entreprises sont potentiellement au-dessus de l'obligation de respecter les régimes de sanctions », ajoute-t-il.
Cette nouvelle survient à un moment d'instabilité politique importante au Congo. Les élections qui devaient se tenir en novembre 2016 ont été retardées à plusieurs reprises, ce qui a provoqué une protestation généralisée contre la perspective que le Président Kabila viole la Constitution et se présente pour un troisième mandat. La crise politique du Congo risque de s'aggraver à l'approche de la nouvelle échéance électorale de décembre 2018. La reprise du paiement des redevances signifie que Glencore enrichit désormais une personne proche du président ; un fait souligné par le Trésor américain, qui a déclaré que Dan Gertler avait « agi pour ou au nom de Kabila ».
Dan Gertler et Glencore nient constamment avoir entrepris tout acte répréhensible dans leurs transactions commerciales au Congo.
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Contacts
Infos pour les journalistes:
- Glencore et Dan Gertler ont été partenaires
dans des entreprises minières en République démocratique du Congo durant dix
ans, jusqu'à ce que Glencore
rachète Dan Gertler via un contrat d'un milliard de dollars en
février 2017.
- Dan Gertler détient les droits aux paiements
de redevances provenant de la mine de Mutanda. En novembre 2015, Global Witness
a révélé
qu'il avait secrètement acquis les droits aux paiements de redevances auprès de
KCC, l'autre société minière détenue par Glencore.
- Dan Gertler a été sanctionné en décembre 2017
en vertu de la loi Magnitsky pour avoir fait fortune via « des transactions
minières opaques et corrompues en République démocratique du Congo ». Le Trésor
américain a également déclaré qu'il s'était servi de son amitié
étroite avec Joseph Kabila pour « agir en tant qu'intermédiaire lors de la
vente d'actifs miniers en RDC, obligeant certaines multinationales à passer par
[lui] pour traiter avec l'État congolais ».
- En raison des sanctions, Dan Gertler ne peut
plus ni se rendre aux États-Unis, ni accéder à ses actifs détenus sur le
territoire américain, ni effectuer des transactions (échange d'argent, de biens
ou de services) avec une entité américaine. Toute entreprise détenue à
50 % ou plus par lui ou par ses sociétés est automatiquement sanctionnée, qu'elle
figure ou non sur la liste. Les autorités américaines peuvent également choisir
de sanctionner une société détenue à moins de 50 % par Dan Gertler, si
elles déterminent qu'il exerce un contrôle dessus. Toute personne ou
entreprise, même étrangère aux États-Unis, faisant affaire avec Dan Gertler
risque de se voir imposer une amende ou d'être sanctionnée par l'Office of
Foreign Assets Control (OFAC), organisme de contrôle financier dépendant du
Département du Trésor des États-Unis. Dans des cas extrêmes, elles peuvent
faire l'objet d'une enquête criminelle du ministère de la Justice des
États-Unis, sans parler du risque pour leur réputation de traiter avec un
individu sanctionné.
- Global Witness rend compte des accords de
Glencore avec Dan Gertler depuis 2011, remettant en question la
manière dont le géant du négoce en matières premières a enrichi Dan Gertler et
protégé ses intérêts dans les accords miniers.
- En septembre 2016, le fonds
spéculatif américain Och-Ziff a admis son rôle dans une affaire de
corruption en Afrique et a conclu un accord de poursuites différées avec le
ministère de la Justice. Le partenaire d'Och-Ziff au Congo a été décrit par les
autorités américaines comme un « notoire homme d'affaires
israélien », largement compris comme étant Dan Gertler. Les documents des
autorités américaines ont montré que le partenaire d'Och-Ziff avait versé des
pots-de-vin substantiels aux fonctionnaires congolais tandis qu'il cherchait à
obtenir les droits miniers. Dan Gertler n'a pas été inculpé dans cette affaire
et le Wall Street Journal a rapporté que le porte-parole de Dan Gertler
niait les allégations.
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