La société SOCO International Plc, cotée à la Bourse de Londres, a cédé l’un de ses derniers actifs en Afrique sub-saharienne dans le cadre d’une transaction qui viole la loi congolaise et ne semble pas se justifier d’un point de vue commercial, révèle notre nouvelle enquête.
Pour la deuxième fois en moins de dix ans, ce petit État pétrolier africain qu’est la République du Congo est au bord de la banqueroute.
Le Congo est le troisième plus grand producteur de pétrole d’Afrique sub-saharienne, et pourtant les revenus de cette ressource lucrative mais épuisable ne semblent pas parvenir jusque dans les caisses de l’État.
C’est dans ce contexte que Global Witness a passé au crible une transaction portant sur l’un des principaux blocs pétroliers offshore inexploités du pays, Marine XI. De Londres à Genève, du Congo aux archipels des tropiques, nous avons mis bout à bout des documents, des témoignages et l’opinion d’experts pour décortiquer ce qui ne peut être qualifié que de transaction foireuse – pour le Congo, et pour les actionnaires de la société pétrolière cotée à la Bourse de Londres SOCO International, qui comptent d’importants fournisseurs de pension.
Le départ de SOCO marque la fin d’une histoire controversée
La transaction, qui a eu lieu en juin 2018, marque le départ de SOCO de l’Afrique sub-saharienne. L’histoire de la société dans cette région est truffée de controverses.
De 2007 à 2015, la société a tenté de lancer des activités d’exploration pétrolière dans le Parc national des Virunga en République démocratique du Congo, un site classé au Patrimoine mondial de l’UNESCO, payant des tiers qui intimidaient ou versaient des pots-de-vin à quiconque se mettait en travers de sa route.
Une transaction aberrante laisse le bloc congolais face à un avenir incertain
SOCO a quitté la région en restant fidèle à elle-même. Elle a vendu sa participation en tant qu’opérateur dans Marine XI à une société écran opaque ne jouissant d’aucune expérience préalable et ne possédant ni liquidités ni avoirs. Cette société a rapidement mis en place un proche parent du président en exercice, en d’autres mots une « personne politiquement exposée » (PPE), pour gérer ses affaires locales et elle a commencé à effectuer des versements à au moins une société liée à son PDG.
SOCO n’a pas informé ni demandé l’autorisation des autorités pétrolières du Congo avant la vente, en violation de la loi congolaise.
L’affaire conclue par SOCO ne semble pas se justifier d’un point de vue commercial. La société a annoncé la finalisation de la transaction sans recevoir aucune somme d’argent, alors qu’elle avait eu au moins une meilleure offre, qu’elle a déclinée. Les conditions de paiement jointes à la transaction présentaient quatre-vingts à quatre-vingt-dix-huit pour cent de chances d’échec, selon une communication de la société quelques mois après la transaction.
Du jour au lendemain, le gouvernement congolais a trouvé une coquille vide aux commandes de l’un de ses blocs pétroliers, et les actionnaires de SOCO se sont retrouvés avec un actif en moins, sans rien de concret en contrepartie.
Des signes de corruption
C’est l’histoire d’un capitalisme cow-boy pratiqué au sein d’un « petit monde » d’initiés de l’industrie pétrolière, qui se déroule avec pour toile de fond un pays qui cherche une nouvelle fois à être renfloué par des créanciers étrangers.
Depuis plus de deux décennies, Global Witness enquête sur la corruption dans les marchés liés aux ressources naturelles. D’après notre analyse, la transaction entre SOCO et Coastal présente de nombreux signes révélateurs qui méritent plus d’examen : une transaction apparemment aberrante ; l’absence d’un processus de vente concurrentiel ; des versements douteux à des sociétés liées ; le recours à des sociétés anonymes enregistrées dans des juridictions opaques, qui occultent leurs bénéficiaires réels ; et l’implication de personnes politiquement exposées.
Les autorités pétrolières congolaises ont ouvert une enquête ; il est temps que les régulateurs britanniques leur emboîtent le pas.
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