Blog | 13 Juillet 2017

Réponse de Global Witness au communiqué du Gouvernement de la République centrafricaine concernant le rapport « Une chasse aux pierres »

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Le 22 juin dernier, Global Witness a publié un rapport intitulé « Une chasse aux pierres ». Il décrit le rôle que jouent les diamants dans le financement du conflit actuel en République centrafricaine (RCA) et dans la contrebande qui introduit sur les marchés internationaux une grande partie des diamants du pays.

Le Gouvernement de la République centrafricaine a largement réagi au rapport dans un communiqué publié le 26 juin. Ce même communiqué « rejette catégoriquement » les allégations du rapport.

Une partie des diamants de la RCA finance des groupes armés qui sont responsables de violations graves des droits de l’homme et exacerbent un conflit qui a généré dans son sillage une catastrophe humanitaire. Une autre partie est source de précieux moyens de subsistance pour des milliers d’habitants, dans un pays qui en a cruellement besoin et où il existe beaucoup trop peu d’alternatives viables. Enfin, certains diamants financent à la fois les groupes armés et la population.

Il n’existe pas de réponses simples à cette réalité complexe.

Le monde du diamant, et en particulier les sociétés diamantaires, éprouvent un malaise face à ce type d’incertitude. Les diamants sont considérés comme un produit « générique », les risques de voir leur réputation ternie étant en d’autres termes difficiles à contenir.

Face à cette complexité, l’industrie diamantaire a dès lors souvent cherché la simplification. Les interdictions générales d’exportation prétendent maintenir la production de diamants de tout un pays à l’écart des marchés internationaux. Cette politique de rejet généralisé ferme les yeux sur des problèmes évidents, laissant non traités des problèmes inavoués qui peuvent alors prendre librement racine.

« Une chasse aux pierres » vise à s’opposer à cette simplification et expose la complexité qu’elle masque. Le rapport cherche à faire participer les pays producteurs de diamants, les marchés des consommateurs et les sociétés diamantaires à des discussions de fond permettant de trouver une solution durable à mi-chemin entre le désengagement total et le commerce non réglementé et débridé dans des États fragiles affectés par un conflit.

Le rapport reconnaît par conséquent que « la RCA et sa population ont besoin du commerce de diamant ».

Global Witness a conscience que l’extraction du diamant procure d’importants moyens de subsistance dans de nombreux pays producteurs de diamants. Nos recherches révèlent toutefois qu’une trop grande partie de ces moyens de subsistance sont mis à mal par la taxation illégale et d’autres formes d’exploitation, et dans le cas de la RCA, par un conflit qui continue de diviser le pays et a plongé plus de la moitié de la nation dans une crise humanitaire. C’est pourquoi le rapport insiste aussi sur le fait que la RCA « a d’autant plus besoin d’un commerce de diamant responsable ».

Un commerce de diamant responsable ne peut se construire qu’avec l’engagement et les ressources de l’ensemble du secteur.  Cela inclut les firmes internationales qui tirent profit du commerce de diamant. Ces entreprises assument clairement une responsabilité et exercent une réelle influence, mais leurs efforts en matière de devoir de diligence sont encore bien loin de répondre aux normes internationales.

Comme le reconnaît le gouvernement de la RCA dans son communiqué, la contrebande transfrontalière demeure un problème. Par le biais de ce trafic, les pierres susceptibles d’être liées au conflit et aux atteintes aux droits de l’homme qui y sont associées ont accès aux marchés internationaux tandis que le gouvernement se voit privé de rentrées fiscales dont il a tant besoin.

De vastes stocks ont également été accumulés pendant la suspension de la RCA du Processus de Kimberley et le flou plane toujours sur leur avenir. Ces réserves ne contribuent plus aux moyens de subsistance des exploitants artisanaux mais elles risquent toujours d’être profitables aux compagnies qui ont acheté des diamants en plein conflit sans exercer leur devoir de diligence raisonnable.

« La chasse aux pierres » expose ces faits, non pas pour causer du tort au commerce de diamant en RCA mais afin de s’assurer que ces problèmes seront traités. Le rapport reconnaît – et pour l’heure se réjouit – des efforts du Processus de Kimberley et du Gouvernement de la RCA, mais il met en garde contre les risques qui doivent être reconnus et gérés si l’on veut mettre en place une véritable réforme. Il cherche à dénoncer ceux qui voient dans les problèmes actuels que traverse le pays une opportunité commerciale, tout en exhortant à appuyer davantage ceux qui s’attellent à les résoudre.

Dans ce sens, nous reconnaissons à sa juste valeur la volonté du gouvernement de se pencher sur ces questions et réitérons nos recommandations pour que la gouvernance locale soit renforcée, que les exportations fassent l’objet d’un contrôle strict et que les acheteurs jouent leur rôle en exerçant fermement leur devoir de diligence. Afin que la population de la RCA puisse bénéficier des richesses minérales du pays, tous les acteurs doivent travailler ensemble pour veiller à ce que ces défis soient relevés et non pas ignorés.

Contacts

  • Aliaume Leroy