Blog | 27 Juillet 2016

Pourquoi le nouvel accord de l’UE sur les approvisionnements responsables en minerais est une occasion manquée

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Après plus de deux années de discussion, les responsables de l’UE sont arrivés à un « accord politique » sur un nouveau règlement visant à assainir le commerce européen des minerais. L’accord est présenté comme une « première étape pour l'Union européenne afin de faire une réelle différence pour les gens sur le terrain ». Certes, il s’agit d’un pas dans la bonne direction , mais lorsqu’un bond gigantesque est cruellement nécessaire et pourrait être opéré, ce premier pas nous semble être également une occasion manquée.

Le règlement vise à garantir que les entreprises européennes se comportent de manière plus responsable lorsqu’elles s’approvisionnent en minerais susceptibles d’être liés à un conflit et à des violations des droits de l’homme. Même si le règlement aurait pu – et aurait dû – avoir une portée plus importante, il engagera néanmoins certaines firmes européennes sur le chemin d’un comportement plus responsable et d’une plus grande transparence  lorsqu’elles d’achetent certains minerais essentiels. 

Quels sont les aspects positifs de cet accord? Les sociétés qui importent dans l’UE des métaux et minerais d’étain, de tantale, de tungstène et d’or seront dorénavant tenues – pour la première fois – de contrôler leurs chaînes d’approvisionnement en vue d’une évaluation des risques et  de rendre compte publiquement des mesures prises pour y remédier. Il s’agit d’une importante amélioration par rapport à la proposition  initiale de la Commission, laquelle prévoyait que même ces contrôles élémentaires seraient entièrement facultatifs. Cette avancée est le résultat du travail de plaidoyer acharné réalisé par les organisations de la société civile ainsi que du mandat fort confié par le Parlement européen, au sein duquel des voix progressistes n’ont cessé d’appeler à une réglementation ferme.  

L’accord promet par ailleurs de respecter la principale norme internationale pour un  commerce responsable dans les chaînes d’approvisionnement en minerais. Cette norme a été élaborée par l’OCDE et constitue le fondement des lois en vigueur aux États-Unis et dans la Région des Grands Lacs d’Afrique, ainsi que la base des directives élaborées à l’intention des entreprises chinoises. Cependant, tout en s’engageant à promouvoir cette norme et les règles du jeu équitables qu’elle offre aux firmes européennes, les moutures antérieures du règlement de l’UE contournaient activement ces principes directeurs en proposant des normes moins strictes pour certaines entreprises. Le respect de l’engagement qui a été pris de remédier à cette situation lors des futures discussions techniques s’avère maintenant crucial pour garantir que le règlement final de l’UE ne fera pas obstacle au mouvement mondial en faveur d’un approvisionnement responsable mais qu’au contraire, il y contribuera.

En dépit de ces points positifs, l’accord n’en demeure pas moins une opportunité manquée. Les minerais pénètrent sur le territoire de l’UE de deux manières. Certains minéraux – minerais et métaux – sont importés à l’état brut, généralement aux fins de transformation et de fabrication. Mais d’autres entrent également dans l’UE à l’intérieur de composants et de produits tels que des circuits électroniques et des bijoux. Aux termes de l’accord qui a été conclu, seules les firmes qui importent des minerais et des métaux seront tenues de contrôler leurs chaînes d’approvisionnement. Les sociétés qui importent ces mêmes minéraux mais à l’intérieur de composants ou de produits ne seront soumises à aucune obligation. 

Ces produits auront peut-être été fabriqués en dehors de l’UE, mais les minéraux qu’ils contiennent finiront pourtant dans les mains d’entreprises et de consommateurs de l’UE. Cela signifie que l’UE assume une part considérable de responsabilité dans les risques qui se posent tout au long de ces chaînes d’approvisionnement et – en tant que première économie mondiale – elle dispose de l’influence nécessaire pour agir face à ces risques. D’ailleurs, elle vient de mettre en place une nouvelle stratégie en matière de commerce, fièrement axée sur des « valeurs » et non pas uniquement sur des « intérêts ». 

Or, avec l’accord aujourd’hui sur la table, l’UE se soustrait à cette responsabilité, laissant s’échapper l’occasion qui se présentait à elle. Ainsi, lorsque les décideurs politiques nous disent que « [t]outes les entreprises de l'Union européenne, à l'exception des plus petites, important de l'étain, du tantale, du tungstène, de l'or et leurs minerais devront procéder à des contrôles de "diligence raisonnable" de leurs fournisseurs », cela signifie uniquement que le nombre relativement restreint de firmes qui importent ces minéraux sous leur forme brute de minerais ou de métaux seront tenues de le faire. Certains parlementaires européens ont laissé entendre que cela « signifie que le restant de la chaîne d’approvisionnement sera également visé, car les plus petites entreprises obtiennent leurs produits auprès des grandes ». Mais ce n’est tout simplement pas le cas. Les grandes entreprises peuvent acheter, et achètent, des produits aux plus petites. Et surtout, tant les petites que les grandes entreprises achètent des produits à des firmes basées en dehors de l’UE. Aucun de ces produits ne sera visé par l’accord qui a été conclu. Autre occasion manquée, celle d’exploiter le poids commercial des entreprises et des consommateurs européens pour induire des changements positifs en dehors de l’UE en montrant clairement que l’UE est un marché destiné aux produits qui ont été fabriqués de manière responsable, et non un marché ouvert à tous crins où prévaut le principe du « si vous ne dites rien, nous ne demanderons rien ».

Toutes les entreprises ont indéniablement une responsabilité et un rôle à jouer en s’assurant que leurs chaînes d’approvisionnement sont transparentes, durables et responsables. En fin de compte, l’UE a donc décidé de croire que la majorité des sociétés choisiront d’agir de façon responsable de leur propre initiative, à l’heure où la capacité du monde des affaires à s’autoréguler est remise en question. Il incombe aujourd’hui aux entreprises et aux décideurs politiques de prouver que cette confiance est bien placée.

L’UE doit maintenant agir de façon décisive pour clarifier les messages contradictoires envoyés aux firmes non visées par le règlement. Imaginez qu’un collègue invite non officiellement l’ensemble de votre bureau à son mariage, n’envoyant ensuite une invitation écrite officielle qu’à un groupe beaucoup plus restreint de personnes. Les collègues restants se demanderont probablement si leur présence est véritablement la bienvenue. L’UE doit faire comprendre aux  entreprises non prises en compte par le règlement qu’elles ne sont pas des invités indésirables mais que leur engagement en faveur du mouvement pour un approvisionnement responsable reste à la fois prévu et souhaité. Si ces compagnies ne répondent pas à cette invitation, le marché européen risque de devenir un maillon faible des chaînes d’approvisionnement mondiales, et nous espérons que l’UE honorera sa promesse d’adoption d’autres mesures législatives si le règlement ne parvient pas à modifier les pratiques du monde des affaires et à transformer la vie des personnes affectées par les composantes opaques et irresponsables du commerce des minerais.

Les regards se porteront dorénavant sur les discussions techniques, au cours desquelles plusieurs questions importantes seront débattues. Nous nous emploierons tout particulièrement à veiller d’une part à ce que l’UE ne revienne pas sur l’engagement qu’elle a pris de donner au règlement une portée véritablement mondiale en ne ciblant pas inutilement certains pays ou certaines régions, et d’autre part à ce que les entreprises ne délèguent pas simplement leurs responsabilités à des initiatives privées de l’industrie fonctionnant à huis clos, lesquelles se voient déjà conférer un pouvoir considérable aux termes de l’accord.

Auteur

  • Michael Gibb

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