Une nouvelle interdiction relative à l'exploitation minière dans l'est de la République démocratique du Congo pourrait conférer un espace de réflexion en vue de l'adoption de réformes fondamentales visant à résoudre le conflit et l'instabilité dans cette région riche en minerais, mais la protection des civils doit absolument rester prioritaire au cours des prochaines semaines, a déclaré aujourd'hui le groupe de campagne Global Witness. L'interdiction devrait s'accompagner de mesures concrètes permettant aux creuseurs d'accomplir leur travail sans être assujettis aux actes d'extorsion et aux abus des groupes armés.
L'interdiction, imposée samedi par le Président Joseph Kabila, signale un engagement accru et bienvenu envers les problèmes miniers, et ce, au niveau politique le plus élevé. L'escalade récente de la violence dans l'est du Congo fait qu'il est d'autant plus urgent de faire face à la situation. Parmi les atrocités perpétrées dernièrement figurent le viol d'environ 200 femmes par des rebelles suspects dans un regroupement de villages, qui a eu lieu sur une période de six jours à compter du 30 juillet.
« Il est clair pour quiconque observe le Congo de près que la concurrence autour du contrôle et de l'exploitation de sa vaste richesse minérale alimente ce conflit violent. L'interdiction relative à l'activité minière pourrait conférer un espace de réflexion en vue de l'adoption de réformes fondamentales », a déclaré Daniel Balint-Kurti, responsable de la campagne sur le Congo à Global Witness.
« Cependant, les groupes rebelles ne sont pas les seuls dans les mines. Des militaires de l'armée nationale participent eux aussi illégalement à l'activité minière et à l'extorsion et aux abus dont font l'objet les creuseurs civils. Bisie, la plus importante mine d'étain de l'est du Congo, est contrôlée par d'anciens rebelles récemment intégrés dans l'armée nationale. Toute mesure du gouvernement visant à venir à bout de la militarisation du secteur minier doit aussi cibler ses propres troupes et leurs commandants », a-t-il ajouté.
Global Witness est par ailleurs préoccupée par le fait que l'interdiction pourrait être suivie de mesures de répression militaire. Plusieurs centaines de civils ont été tués et violés lors d'opérations militaires dans l'est du Congo depuis janvier 2009. Des mesures énergiques doivent être prises pour empêcher de tels abus lors de toute nouvelle action militaire visant l'imposition de l'autorité du gouvernement dans l'est du pays. La MONUSCO, la force de maintien de la paix de l'ONU au Congo, devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les civils, notamment en surveillant toute nouvelle offensive.
« Nous sommes inquiets car, lors de précédentes offensives militaires, les victimes civiles ont été très nombreuses, et les militaires ont commis un nombre considérable de viols et d'autres actes de violence à l'encontre de la population. Le gouvernement et les Casques bleus sur le terrain doivent faire preuve de vigilance afin de s'assurer que l'interdiction ne produise pas des effets contraires à ceux attendus, entraînant un regain de violence et de souffrances pour la population civile », a commenté Daniel Balint-Kurti.
L'interdiction concernera les provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et du Maniema, riches en coltan (minerai de tantale) et en cassitérite (minerai d'étain). Ces minerais servent à fabriquer des téléphones portables et d'autres appareils électroniques.
Global Witness demande instamment aux fabricants de l'industrie électronique de faire preuve d'une plus grande responsabilité envers les minerais qui entrent dans la fabrication de leurs produits et de veiller à ne pas financer le conflit indirectement. Une loi récemment adoptée par le Congrès américain contraindra les entreprises enregistrées aux États-Unis qui s'approvisionnent au Congo à déclarer les mesures qu'elles ont prises pour exclure les minerais du conflit de leurs chaînes d'approvisionnement.
Balint-Kurti d'ajouter : « La nouvelle loi américaine constitue une étape très positive qui étend la responsabilité envers les abus perpétrés dans les régions minières du Congo à un niveau supérieur, à savoir jusqu'aux entreprises qui utilisent les produits et en tirent des profits se chiffrant à des millions de dollars. Nous exhortons les autres gouvernements à en faire autant.
Le but final est de doter le Congo d'une industrie minière viable, créatrice d'emplois et génératrice de revenus pour les civils, et qui encourage le développement économique du pays. Pour y parvenir, le gouvernement congolais doit démilitariser les mines, les entreprises doivent mener un processus de diligence raisonnable plus rigoureux et les autres gouvernements doivent exiger des comptes aux entreprises et envisager de rendre l'aide internationale tributaire de l'adoption de réformes dans le secteur minier. »
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