Le gouvernement congolais devrait pousser les entreprises à être plus rigoureuses
Le gouvernement congolais devrait être plus prudent avant d’avaliser une nouvelle initiative de l’industrie visant à identifier l’origine de l’approvisionnement en étain de la République démocratique du Congo (RDC) – tel est l’avertissement lancé ce jour par Global Witness.
« Nous encourageons le gouvernement congolais et les entreprises à coopérer afin de mettre un terme aux liens qui existent entre le commerce des minerais et le conflit armé dans l’est de la RDC », déclare le directeur de Global Witness, Patrick Alley, « mais avant de se précipiter à les soutenir le gouvernement doit être convaincu de l’efficacité des propositions. »
Depuis quelques mois, l’ITRI – l’organe représentatif de membres de l’industrie de l’étain – travaille à l’élaboration de propositions propices au contrôle de sa chaîne d’approvisionnement, suite à de fortes pressions de la part d’organisations non gouvernementales et du Groupe d’experts de l’ONU.
« Global Witness note avec satisfaction le fait que l’ITRI s’intéresse enfin à ce problème », ajoute Patrick Alley. « Toutefois, à l’heure actuelle, ses propositions ne s’attaquent pas au cœur du problème, à savoir comment exclure définitivement les groupes armés et les militaires de la chaîne d’approvisionnement en minerais. »
Les propositions de l’ITRI, qui concernent principalement des contrôles d’ordre technique et administratif, exigeraient des commerçants et des intermédiaires qu’ils remplissent une série de formulaires de déclaration de l’origine des minerais. Le problème est que ces propositions ne semblent pas inclure de mécanisme permettant de vérifier de manière indépendante l’information communiquée par les fournisseurs.
L’inadéquation de cette initiative est parfaitement illustrée par l’une des questions figurant dans la version préliminaire d’un formulaire : les fournisseurs auraient à cocher une case pour confirmer qu’aucun groupe armé n’a été impliqué dans la production des minerais.
« Connaissez-vous beaucoup de commerçants qui seront prêts à admettre qu’un groupe armé a été impliqué dans leur chaîne d’approvisionnement ? », s’interroge Patrick Alley. « Cette question absurde met en évidence un manque d’engagement de la part des entreprises, qui ne souhaitent pas s’atteler aux véritables problèmes. »
Global Witness prévient qu’il pourrait être contre-productif d’accepter inconditionnellement les propositions de l’ITRI sous leur forme actuelle, car cela donnerait l’impression que les entreprises en ont suffisamment fait et les dissuaderait d’être plus rigoureuses. Le gouvernement congolais devrait plutôt prendre des mesures encore plus énergiques pour pousser les entreprises à exclure les groupes armés et les unités militaires de leur chaîne d’approvisionnement une bonne fois pour toutes.
Global Witness demande également au gouvernement congolais de poursuivre la mise en œuvre de ses propres procédures visant à un meilleur contrôle du secteur minier dans l’est de la RDC et de traduire en justice les commandants militaires impliqués dans le commerce illicite. L’ONG insiste sur le fait que la lutte contre l’impunité doit être menée parallèlement à l’élaboration de procédures administratives, faute de quoi les autorités militaires – tout comme leurs homologues rebelles – continueront de trouver le moyen de porter atteinte au système, ce qui empêchera les nouvelles procédures d’avoir l’impact positif qui en est attendu.
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Émilie Serralta (en anglais ou en français) au +44 207 492 5855, ou Amy Barry (en anglais) au +44 7980 664397
Notes aux équipes de rédaction :
1. Le commerce de la cassitérite (minerai d’étain), du coltan, de l’or et d’autres minerais est l’un des principaux facteurs du conflit armé qui sévit dans l’est de la RDC depuis dix ans. Dans son rapport publié en juillet 2009, « Face à un fusil, que peut-on faire ? » (qui peut être consulté ici), Global Witness renseigne sur le fait que les principales parties belligérantes – les groupes rebelles ainsi que l’armée congolaise – sont fortement impliquées dans ce commerce.
Cela fait de nombreuses années que les entreprises étrangères, qu’elles soient basées en Europe, en Asie, ou ailleurs, refusent de reconnaître l’impact de leur commerce sur la population civile de l’est de la RDC. Elles ont travaillé avec des fournisseurs dont on sait qu’ils entretiennent des relations avec des groupes rebelles, et elles ont acheté des minerais produits par ces groupes ou par l’armée congolaise, d’où la perpétuation du conflit.
2. La synthèse des conclusions de la visite menée récemment par Global Witness dans l’est de la RDC peut être consultée ici.
3. La réaction de Global Witness à la décision récente de l’entreprise britannique AMC de suspendre ses achats d’étain provenant de la RDC peut être consultée ici.