Communiqué de presse / 28 Août 2008

La société Afrimex a enfreint des directives internationales, affirme le gouvernement britannique

28 août 2008

La société britannique Afrimex a enfreint des directives internationales en s’approvisionnant en minerais provenant d’une zone congolaise en guerre, affirme le gouvernement britannique 

Le gouvernement britannique a conclu que la société britannique Afrimex a enfreint les Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales en achetant des minerais provenant d’une région de la République démocratique du Congo (RDC) déchirée par la guerre.  

Dans une déclaration finale publiée ce jour, le gouvernement britannique confirme la majorité des allégations contenues dans la plainte déposée en 2007 par Global Witness, une organisation britannique qui fait campagne pour mettre un terme aux liens entre ressources naturelles et conflits armés.  

Global Witness affirmait dans sa plainte que le commerce de minerais auquel se livrait Afrimex contribuait au conflit brutal et aux atteintes aux droits de l’homme dans l’est de la RDC. L’organisation y déclarait qu’Afrimex aurait versé de l’argent au Rassemblement congolais pour la démocratie-Goma (RCD-Goma), un groupe rebelle qui contrôlait la zone et perpétrait de graves atteintes aux droits de l’homme. Global Witness affirmait également que la société aurait acheté des minerais produits dans des conditions extrêmement dures avec notamment une main-d’œuvre forcée et infantile. 

Le Point de contact national britannique (PCN, l’organe du gouvernement britannique chargé d’étudier les plaintes déposées au titre des Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales) affirme qu’Afrimex avait initié la demande de minerais en provenance d’une zone de conflit et s’appuyait sur des fournisseurs qui avaient versé de l’argent au RCD-Goma. La conclusion du PCN est qu’Afrimex n’a pas contribué au développement durable dans la région ni respecté les droits de l’homme. Le PCN déclare également qu’Afrimex a fait preuve d’une « due-diligence » (obligation de diligence raisonnable) insuffisante par rapport à sa chaîne d’approvisionnement, achetant des minerais provenant de mines où travaille une main-d’œuvre infantile et forcée.  

« Nous relevons avec satisfaction la décision importante du gouvernement concernant ce dossier », a déclaré Patrick Alley, directeur de Global Witness. « La déclaration finale établit des principes directeurs plus clairs à l’intention des entreprises qui opèrent ou font du commerce dans les zones de conflit. » 

Lors d’une mission d’enquête dans l’est de la RDC le mois dernier, Global Witness a découvert que les statistiques officielles de la Division des mines de la province du Nord-Kivu pour l’année 2007 répertoriaient toujours Afrimex en tant qu’importateur de cassitérite (minerai d’étain) de Goma.  

« Ce commerce continue de nous préoccuper, car de nombreuses mines de la région sont toujours contrôlées par des groupes armés ou par les militaires », a déclaré Patrick Alley. « La société Afrimex doit annoncer les mesures qu’elle a prises pour modifier ses pratiques commerciales, comme le lui a recommandé le gouvernement britannique. » 

Afrimex est l’une des entreprises britanniques citées en 2002 par le Panel d’experts des Nations Unies sur l’exploitation illégale des ressources naturelles en RDC comme ayant enfreint les Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales. Cependant, le gouvernement britannique n’avait encore pris aucune mesure concernant ce dossier lorsque Global Witness a déposé sa plainte en février 2007. 

Le dossier Afrimex était l’une des premières nouvelles plaintes à être considérées par le PCN du Royaume-Uni depuis l’adoption en 2006 de procédures révisées. 

La déclaration finale relative à Afrimex est émise seulement un mois après la publication d’une déclaration du PCN britannique portant sur une plainte déposée par l’organisation Rights and Accountability in Development (RAID) contre une autre société britannique, DAS Air, pour atteinte aux Principes directeurs de l’OCDE en RDC.  

« Nous espérons que ces deux dossiers marqueront l’avènement d’une nouvelle ère qui verra le Royaume-Uni jouer un rôle de premier plan dans la lutte contre les comportements d’entreprises contraires à l’éthique », a ajouté Patrick Alley. « Le gouvernement fait ainsi savoir aux entreprises qu’elles ne peuvent pas poursuivre leurs activités commerciales dans les zones de conflit comme si de rien n’était. Nous espérons qu’il fera preuve d’une même détermination en traitant toute autre allégation de violations commises par des entreprises britanniques. »  

Les éléments d’appréciation du PCN sont en grande partie axés sur la chaîne d’approvisionnement d’Afrimex. L’organe britannique conclut qu’Afrimex n’a pas fait d’efforts suffisants pour exercer une influence sur ses fournisseurs afin de veiller à ce que le commerce des minerais n’alimente pas le conflit et les atteintes aux droits de l’homme. 

Parmi les fournisseurs d’Afrimex figuraient la SOCOMI, une société qui entretient des liens commerciaux et familiaux étroits avec Afrimex, et deux autres comptoirs qui ont versé des taxes et des frais de licence au RCD-Goma. Le PCN a déclaré que ces versements avaient contribué au conflit.  

Le PCN a affirmé qu’Afrimex était un client important de la SOCOMI, pour ne pas dire son seul client à l’exportation sur la période 2000-2001. Il déclare : « Si tel est le cas, c’est Afrimex qui explique pourquoi la SOCOMI a vendu des minerais, et, par conséquent, Afrimex est responsable du fait que la SOCOMI a versé des frais de licence et des taxes au RCD-Goma. » 

Le PCN a conclu que le fait que la société Afrimex se soit fiée aux promesses verbales de comptoirs et à une seule déclaration écrite revenait à avoir procédé à une « due-diligence » insuffisante, que ces promesses manquaient de substance et qu’elles ne s’appuyaient sur aucune vérification. Il a ajouté que la non-application par Afrimex de conditions imposées à ses fournisseurs pendant la guerre était « inacceptable étant donné le contexte du conflit et les atteintes aux droits de l’homme qui étaient perpétrées. »  

Ketan Kotecha, directeur d’Afrimex, entretient des relations commerciales avec la RDC depuis les années 1980, et sa famille, depuis les années 1960. Le PCN a par conséquent considéré que « l’argument selon lequel il n’aurait pas eu connaissance de la situation et de fréquentes violations des droits de l’homme perpétrées dans l’est de la RDC était indéfendable ». 

La déclaration du PCN décrit plusieurs mesures proactives que devrait prendre Afrimex relativement à l’impact sur les droits de l’homme de ses activités en RDC. Elle recommande la formulation d’une politique de responsabilité d’entreprise – qu’Afrimex s’est proposé de rédiger – tout en insistant sur l’importance que revêt l’intégration de cette politique dans les pratiques d’Afrimex.  

« Instaurer cette politique sans susciter aucune modification de comportement ne reviendrait qu’à se doter d’un bout de papier insignifiant », affirme le PCN. « Dans le cas d’Afrimex, cela signifie demander à ses fournisseurs de ne pas faire de mal : prendre des mesures crédibles pour veiller à ce que les forces militaires ne puissent pas extorquer de l’argent tout au long de la chaîne d’approvisionnement ; exiger un engagement envers l’adoption de mesures adaptées pour s’assurer que les minerais ne proviennent pas de mines où travaille une main-d’œuvre forcée et infantile et qu’ils n’émanent pas des mines les plus dangereuses. Afrimex se doit ensuite de réfléchir aux mesures à prendre pour assurer le suivi de l’efficacité de cette politique, qu’il conviendra de passer en revue périodiquement. » 

Global Witness demande instamment à Afrimex de mettre en œuvre ces recommandations : « Cette société et d’autres qui achètent leurs minerais dans l’est de la RDC doivent veiller à ce que leurs activités commerciales ne contribuent pas à aggraver la violence », a déclaré Patrick Alley. « La décision du gouvernement britannique constitue une recommandation positive qui les aidera à modifier leurs pratiques. » 

Pour tout renseignement complémentaire, contacter :  

Carina Tertsakian         +44 207 561 6372 

Notes à l’attention des équipes de rédaction 

  1. Afrimex opère en RDC par l’intermédiaire de la Société Kotecha et de la SOCOMI, sociétés enregistrées au Congo. La déclaration finale du PCN fournit des informations détaillées sur les relations qu’entretiennent ces trois sociétés.

  2. La déclaration finale du PCN concernant la plainte déposée contre Afrimex peut être téléchargée à l’adresse : http://www.csr.gov.uk/ncp_comp4.htm 

  3. La plainte déposée par Global Witness contre Afrimex peut être téléchargée à l’adresse : http://www.globalwitness.org/media_library_detail.php/507/en/complaint_against_afrimex_uk_ltd_under_the_specifi 

  4. Pour tout renseignement complémentaire sur la plainte déposée par RAID à l’encontre de DAS Air, se reporter au communiqué de presse publié par RAID : « Government condemns British aviation company for fuelling Congo’s war » (21 juillet 2008), qui peut être téléchargé à l’adresse www.raid-uk.org

  5. Les Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales sont une série de principes et normes de bonnes pratiques applicables sur une base volontaire et que les gouvernements adressent aux entreprises multinationales. Ils recouvrent un large éventail de thèmes ayant trait à la déontologie commerciale, notamment les droits de l’homme, le développement, la corruption et le comportement en matière de chaîne d’approvisionnement. Les Principes directeurs ne sont pas obligatoires mais les gouvernements des pays de l’OCDE s’engagent à en promouvoir le respect. Pour tout renseignement complémentaire, veuillez consulter : http://www.oecd.org/department/0,3355,en_2649_34889_1_1_1_1_1,00.html

  6. Le conflit armé dans l’est de la RDC aurait fait plusieurs millions de victimes. Toutes les parties au conflit, y compris de nombreux groupes rebelles congolais et étrangers, ainsi que des membres de l’armée nationale congolaise et d’armées de pays limitrophes, ont perpétré à l’encontre de civils non armés de graves atteintes aux droits de l’homme. L’abondance des ressources naturelles du pays a constitué un facteur majeur dans la perpétuation du conflit. Malgré plusieurs accords de paix successifs, les combats se poursuivent en 2008 dans certaines régions de l’est de la RDC et des groupes armés continuent de tirer profit de l’exploitation minière illicite. Pour obtenir des informations de fond, se reporter aux rapports de Global Witness : « La paix sous tension : dangereux et illicite commerce de la cassitérite dans l’est de la RDC » (juin 2005) et « S.O.S. Toujours la même histoire : une étude contextuelle sur les ressources naturelles de la République démocratique du Congo » (juin 2004), qui peuvent être téléchargés sur le site www.globalwitness.org 

  7. Pour tout complément d’information sur le rôle des ressources naturelles dans le conflit en RDC, consulter les rapports du Panel d’experts des Nations Unies sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres formes de richesse en RDC, S/2001/357 (avril 2001), S/2001/1072 (novembre 2001), S/2002/565 (mai 2002), S/2002/1146 (octobre 2002) et S/2003/1027 (octobre 2003).