L'Action Place financière Suisse, la Déclaration de Berne et Global Witness protestent
contre la décision de la DDC de mandater RUAG, producteur suisse d'armements,
pour un projet de déminage en Angola dans le cadre de la restitution de revenus
pétroliers angolais détournés et qui ne dispose actuellement pas de capacité suffisante pour le déminage. Les ONG demandent que la DDC revienne sur sa décision et fasse un appel
d'offre public pour ce projet.
L'entreprise RUAG appartient à la Confédération helvétique et représente, avec ses usines
en Suisse, en Allemagne et en Suède, le plus grand producteur de munitions de petit calibre
en Europe. Dans sa gamme de produits se trouvent des armements particulièrement
inhumains, notamment les armes à sous-munitions (ou bombes à fragmentation).
Cependant, la Confédération s'engage en faveur d'un contrôle plus renforcé des armes
légères dans le cadre de l'ONU. Elle fait également partie des 111 états ayant annoncé leur
signature de la Convention sur les armes à sous-munitions, accord historique qui interdit
l'utilisation, la production et le transfert de ces armes, agréé le 30 mai 2008 à Dublin.
Le projet de déminage en Angola pour lequel RUAG a été mandaté fait partie d'un accord
entre la Suisse et l'Angola conclu en 2005 concernant 21 millions de dollars américains (plus
3,2 millions d'intérêts) de fonds publics détournés et bloqués en Suisse.
Les deux gouvernements ont déterminé que ces fonds seront restitués au peuple angolais par le biais de projets de développement, dont 4,2 millions pour des projets d'éducation et 10 millions
pour le déminage. La DDC n'a pas lancé d'appel d'offre public, mais a directement mandaté
RUAG, producteur d'armements et qui ne dispose actuellement pas de capacité suffisante pour le déminage. L'entreprise encaisserait donc une commission pour faire appel à l'une des
institutions capables de réaliser le déminage qui auraient elles-mêmes répondu à un appel
d'offre public (voir L'Hebdo du 29 mai 2008).
Pour rappel, ces 21 millions bloqués font partie d'un montant de 774 millions de dollars
américains de revenus pétroliers angolais transférés dans un compte a Genève et prévus
pour le remboursement, entre 1997 et 2001, de la dette de l'Angola auprès de la Russie. Or,
seulement 161 millions de dollars étaient arrivés sur le compte du Ministère des Finances
russe.
Le reste de la somme avait été transféré dans des sociétés écran et des comptes
‘offshore' dont plusieurs appartiendraient à de hauts fonctionnaires angolais, parmi lesquels
le président Dos Santos. Cette affaire a fait l'objet d'une instruction pénale à Genève pour
corruption d'agents publics étrangers et blanchiment d'argent. La procédure a été classée en
décembre 2004 par le Procureur général Daniel Zappelli. En décembre 2006, plusieurs
citoyens angolais ont demandé que l'enquête soit relancée sur la base de preuves nouvelles,
qui n'avaient pas été examinées par la Justice genevoise. Ils ont alors déposé une
dénonciation, puis un mémoire détaillé en juillet 2007. A ce jour, aucune décision n'a encore
été prise sur cette dénonciation.
Concernant la restitution des 21 millions de dollars, l'Action Place financière suisse, la
Déclaration de Berne et Global Witness ont exigé à plusieurs reprises que les négociations
entre la Suisse et l'Angola se déroulent dans la transparence et que la société civile
angolaise soit impliquée dans le processus de restitution.
Dans une lettre envoyée au directeur de la DDC, l'Ambassadeur Martin Dahinden, les trois
ONG demandent donc :
- Que la DDC revienne sur sa décision de mandater RUAG et fasse un appel d'offre
public pour le projet de déminage en Angola ;
- Que la DDC veille à ce que ce processus, ainsi que la mise en oeuvre des projets
éducatifs, se déroulent en toute transparence et avec la participation de la société civile angolaise vu les indices clairs de détournement et mauvaise gestion d'argent public dans cette affaire.
- Que le Procureur général genevois, Daniel Zappelli, mène à terme l'enquête concernant le reste des 774 millions de dollars américains disparus.
En savoir plus :
Anne-Kathrin Glatz, Déclaration de Berne, tél. +41 (0)21 620 03 09 ou +41 (0)76 542 32 62,
[email protected], www.ladb.ch
André Rothenbühler, Aktion Finanzplatz Schweiz, tél. +41 (0)61 693 17 00 ou +41 (0)79 273 61 43,
[email protected], www.aktionfinanzplatz.ch
Sarah Wykes, Global Witness, tél. +44 (0)207 561 6263 ou +44 (0)7703 108 449,
[email protected], www.globalwitness.org