Communiqué de presse / 22 Janvier 2008

Les plans de la Banque mondiale en RD Congo dans le domaine de l'exploitation forestière sont critiqués par son propre Panel d'inspection interne

Communiqué de presse – 18 janvier 2008

Un rapport du Panel d’inspection de la Banque mondiale publié mardi critique fortement la manière dont la Banque a géré le soutien qu’elle a accordé aux réformes du secteur de l’exploitation forestière en République démocratique du Congo.  Le rapport affirme que la Banque n’a pas observé ses règlements et procédures internes, qu’elle n’a pas consulté les communautés pygmées autochtones affectées par les activités liées à ces réformes, et qu’elle a grossièrement surestimé les avantages que présente l’exploitation du bois à échelle industrielle pour la réduction de la pauvreté, annonce aujourd’hui l’organisation non gouvernementale Global Witness.  

 Les groupes autochtones de Pygmées vivant en RDC ont déposé plainte auprès du Panel d’inspection indépendant de la Banque mondiale en décembre 2005, étant préoccupés par le fait que la politique forestière menée en RDC par la Banque, qui vise à soutenir le développement du secteur de l’exploitation du bois industrielle, ne tenait aucun compte des droits de 40 millions d’individus qui dépendent de la forêt, et ignorait plus spécifiquement l’existence et les droits des 250 000 à 600 000 Pygmées autochtones dont la subsistance dépend uniquement des forêts et de leurs produits.   

« En fin de compte, les projets de la Banque en matière d’exploitation des forêts ont servi à promouvoir les intérêts de sociétés d’exploitation du bois cherchant à dépecer les actifs du pays au lieu de tenir compte des intérêts des groupes autochtones qui dépendent des forêts », a déclaré Patrick Alley, directeur de Global Witness. « Les ONG se sont plaintes à plusieurs reprises de ce que l’approche adoptée par la Banque en matière de foresterie dans les pays à la gouvernance médiocre, comme la RDC, serait nuisible d’un point de vue social et environnemental, et ces critiques ont été confirmées par le rapport du Panel. Les spécialistes de l’économie forestière de la Banque reconnaissent être incapables de citer un seul exemple d’exploitation industrielle du bois dans les zones tropicales qui permette de réduire la pauvreté ou de conférer des avantages économiques durables, alors à quoi bon continuer de la promouvoir ? »  

Selon le Panel d’inspection, les activités de la Banque : 

·          N’ont pas identifié la présence de communautés pygmées vivant dans les zones affectées par le projet ;

·          N’ont pas identifié la propriété culturelle et la valeur spirituelle que revêtent les zones forestières aux yeux des populations de Pygmées ;

·          N’ont pas assuré une consultation adéquate des populations locales, et ont ignoré les éléments démontrant l’impact négatif qu’aurait une exploitation forestière sous forme de concessions sur les moyens d’existence des groupes qui dépendent de la forêt ;

·          Ont grossièrement surestimé les recettes dégagées des concessions d’exploitation du bois, qui ont constitué le cœur des activités de soutien accordées par la Banque à la réforme du secteur forestier, ainsi que les bénéfices que confère aux communautés l’exploitation du bois à échelle industrielle en matière de réduction de la pauvreté ;

·          N’ont pas inclus l’élaboration d’une étude de l’impact sur l’environnement ;

·          N’ont pas suffisamment tenu compte du manque de capacités élémentaires dans les domaines institutionnels, techniques et sur le terrain permettant d’assurer l’application de la loi et de répondre aux questions d’ordre administratif, social, environnemental ou autres soulevées par l’exploitation du bois sous forme de concessions. 

« Tandis que nous saluons les résultats du Panel, qui dresse un inventaire des nombreuses failles sérieuses dont sont assorties les activités de réforme sectorielle, la Banque devrait désormais veiller à ce que les projets forestiers menés ailleurs ne voient pas les mêmes erreurs et défaillances se reproduire », a affirmé M. Alley. « La Banque doit s’assurer que la future politique forestière menée en RDC et dans d’autres pays vise à faire progresser les droits des populations qui dépendent de la forêt, et notamment à améliorer leurs moyens d’existence et à assurer leur pleine participation aux décisions politiques qui les concernent. »   

La publication du rapport du Panel d’inspection intervient seulement un mois après celle d’un rapport élaboré par l’équipe de Global Witness en charge de l’Observation indépendante des forêts à l’issue d’une étude d’évaluation de trois mois effectuée en RDC. L’étude a permis d’identifier une « absence complète de contrôles significatifs, une ambiguïté juridique et un manque de pratiques standardisées, laissant le secteur dans une situation d’anarchie et conférant un terrain propice aux pratiques abusives et frauduleuses ». La principale recommandation de Global Witness est l’application d’un moratoire total sur les activités d’exploitation forestière jusqu’à ce que le zonage de l’utilisation des terres forestières soit terminé et en attendant la mise en place d’un cadre juridique exhaustif, le développement de capacités réglementaires significatives et l’instauration de mesures propres à renforcer les droits et la participation des communautés.  

Pour tout renseignement complémentaire, contacter :

Patrick Alley au   +44 (0)792 178 8897

Lizzie Parsons au +44 (0)207 561 6365  

Notes aux rédactions :

1.       Le Panel d’inspection de la Banque mondiale a été institué en 1993 afin d’accroître la responsabilité des prêts accordés par la Banque mondiale et de conférer aux populations locales un forum à utiliser en dernier recours pour faire valoir leurs droits au titre des règlements et des conditions de prêt de la Banque.

2.       Les forêts tropicales de la RDC sont les deuxièmes du monde par leur superficie. Elles jouent un rôle primordial dans l’existence d’au moins 40 millions d’individus, constituent une source inestimable pour la biodiversité et pourraient apporter une contribution significative à la réduction du changement climatique.

3.       En 2007, Global Witness a été chargé de conduire une étude de faisabilité de trois mois consacrée à l’Observation indépendante des forêts (OIF) en RDC. L’objectif de cette étude était d’évaluer, d’une part, la nature et l’ampleur de l’exploitation illégale du bois dans certaines zones forestières de la RDC, et, d’autre part, l’efficacité et la performance du système de contrôle employé par l’administration forestière congolaise. Les résultats de cette étude peuvent être consultés dans leur intégralité à l’adresse suivante : http://www.globalwitness.org/pages/fr/ifmdrc.html