Global Witness / Rights and Accountability in Development (RAID)
21 décembre 2007
La décision prise ce jour par la cour d’appel militaire de Lubumbashi, en République démocratique du Congo, de ne pas autoriser un appel lancé à l’encontre de l’acquittement de neuf soldats congolais et de trois employés d’Anvil Mining dans le contexte du massacre de Kilwa constitue un déni flagrant du droit des victimes à bénéficier d’une audience équitable.
Pour Global Witness et RAID, cette décision représente la culmination d’une série de pratiques s’appuyant sur l’ingérence et des irrégularités politiques destinées à protéger les responsables des crimes perpétrés à Kilwa.
Les neuf soldats et les trois employés d’Anvil Mining sont poursuivis respectivement pour crimes de guerre et complicité de crimes de guerre, pour des faits se rapportant au décès d’au moins 73 civils à Kilwa, dans la province du Katanga, en octobre 2004. Le 28 juin 2007, une cour militaire avait acquitté tous les prévenus des accusations ayant trait aux événements de Kilwa ; ce procès s’était déroulé dans un contexte ne respectant pas les normes internationales d’équité (voir ACIDH, ASADHO/Katanga, Global Witness, RAID, « Le procès de Kilwa : un déni de justice », 17 juillet 2007) et avait été critiqué par le Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Louise Arbour.
L’auditeur militaire et les victimes et familles des victimes ont fait appel. Le 9 décembre 2007, la Haute cour militaire a ouvert ses audiences à Lubumbashi, la capitale de la province du Katanga.
Le 21 décembre, la cour d’appel a jugé que les événements de Kilwa sortaient du cadre de l’appel et décidé qu’elle ne considérerait l’appel de l’auditeur que pour ce qui est des peines imposées aux deux prévenus militaires pour des événements qui se sont déroulés à Pweto et n’ayant aucun rapport avec ceux de Kilwa.
L’appel aurait pu fournir une occasion de rectifier les injustices et erreurs commises lors d’étapes précoces du procès et de restaurer la confiance dans l’indépendance du système judiciaire congolais. Au lieu de cela, l’appel a été entaché de nouvelles irrégularités, dont les suivantes :
- Le premier appel de l’auditeur, qui aurait dû déclencher un réexamen de tous les éléments de preuve, a par la suite été modifié par un autre auditeur, et ce, d’une façon inadéquate ; cet auditeur n’avait aucunement participé au procès d’origine, et il lui avait même été explicitement interdit d’y participer en raison de son rang, inférieur à celui d’un des prévenus militaires. Cet auditeur a limité le champ de l’appel à l’examen des peines imposées à deux des prévenus militaires, le colonel Ademar Ilunga et le capitaine Sadiaka, pour des crimes n’ayant aucun rapport avec l’incident de Kilwa. Il s’agit là d’une tentative flagrante de réduire la portée de l’appel et d’exclure toute référence aux événements de Kilwa. La cour d’appel a jugé admissible cet appel limité et modifié, malgré les efforts concédés par les avocats des victimes pour en exposer les irrégularités.
- Les témoins n’ont pas été avertis de la procédure par la cour d’appel d’une manière adéquate. Dans une lettre adressée le 14 décembre 2007 au président de la Haute cour militaire, plusieurs témoins et parents de victimes de Lubumbashi se sont plaints de ce que ni eux ni les témoins présents à Kilwa n’avaient reçu de document officiel de la cour les informant des prochaines audiences. Dans ce même courrier, ils déploraient la façon dont ils avaient été traités, tant lors du procès d’origine que dans le cadre des audiences d’appel.
- Des sources présentes lors des audiences d’appel ont signalé que les juges militaires ne semblaient avoir aucunement l’intention de tenir une audience ou de réexaminer les éléments de preuve.
- Les juges de la cour d’appel ont émis certains doutes quant à la position de l’un des avocats des victimes, affirmant qu’elle n’était pas compatible avec son rôle de membre d’une organisation de défense des droits de l’homme.
- Les avocats des victimes ont été dans l’incapacité d’obtenir un exemplaire du dossier de l’affaire avant le début des audiences. Au moins deux avocats ont contacté le secrétaire du tribunal, pour se voir dire que le dossier n’était pas disponible au tribunal, le secrétaire le détenant dans sa chambre d’hôtel. Le secrétaire leur a également dit qu’il ne les autoriserait à le consulter qu’après l’audience du 18 décembre, pendant laquelle il devait être débattu de la portée de l’appel.
Ces développements indiquent clairement que le phénomène d’ingérence dans le cours de la justice, documenté dans la chronologie des événements figurant dans le rapport « Le procès de Kilwa : un déni de justice », est en train de se reproduire lors de l’étape de l’appel. Dans ce dossier, la convergence d’intérêts politiques et commerciaux aux plus hauts niveaux qui soient (voir la description figurant dans le rapport susmentionné) fait que les victimes de graves atteintes aux droits de l’homme à Kilwa se sont vu refuser toute justice.
Global Witness et RAID attendent actuellement des documents écrits portant sur la procédure d’appel avant de formuler une réponse plus détaillée.