Communiqué de presse / 17 Mai 2007

Le gouvernement congolais doit assurer la transparence et l'indépendance dans l'examen des contrats miniers

Londres, 17 mai 2007 - Global Witness a aujourd'hui exhorté le gouvernement de la République démocratique du Congo (RDC) à veiller à ce que l'examen auquel il prévoit de soumettre les contrats miniers rompe avec les anciens schémas reposant sur des décennies de corruption et d'impunité dans le secteur minier.

Lors du conflit en RDC qui a commencé en 1996, et pendant les trois années de transition qui se sont conclues par des élections en 2006, une part considérable de la richesse minérale du pays a été cédée dans le cadre d'accords opaques qui ont grandement profité aux entreprises concernées mais en ne bénéficiant que peu, voire pas du tout, au pays dans son ensemble. Des personnalités politiques et militaires haut placées, des dirigeants des forces rebelles et d'autres individus ont également profité de ces accords à titre personnel, aux dépens de la population. On ne sait que peu de choses de ce qui est advenu de l'argent versé au titre de ces contrats. Les bénéfices n'ont pas profité au développement ni servi à réduire la pauvreté.

Le 20 avril 2007, le ministre des Mines, Martin Kabwelulu, a annoncé la création d'une commission interministérielle chargée de « revisiter » les contrats miniers signés entre les entreprises privées et l'État ou les entreprises publiques.[i]

L'initiative intervient après plusieurs années de pressions exercées aux niveaux national et international par la société civile et d'autres acteurs exigeant un réexamen des contrats défavorables passés au cours des dix dernières années.

« Global Witness relève avec satisfaction la décision de revisiter ces contrats », a déclaré Patrick Alley, directeur de Global Witness. « Cependant, pour que cette démarche soit crédible et regagne la confiance de la population, le gouvernement se doit de veiller à respecter les plus hauts niveaux de transparence et d'indépendance et de s'appuyer sur une large consultation. »

Global Witness a déclaré que le gouvernement devrait faire savoir sans équivoque qu'il est disposé à résilier les contrats qui s'avéreraient illégaux et à modifier de manière significative ceux qui ne profitent pas au pays. L'organisation est préoccupée par la réticence apparente du gouvernement à envisager de résilier des contrats.

« L'argument selon lequel la résiliation de contrats pourrait dissuader de futurs investisseurs ne devrait pas être une excuse pour approuver sans discussion des contrats illégaux ou défavorables », a ajouté Patrick Alley.  « Cet examen représente une opportunité unique de mettre un terme au pillage systématique des ressources du Congo et de créer un précédent pour des pratiques d'investissement responsables et conformes aux réglementations et normes nationales et internationales. »

Global Witness a également demandé aux gouvernements donateurs, à la Banque mondiale et aux entreprises minières d'apporter leur soutien à un examen sérieux des contrats miniers et, plus particulièrement, à la renégociation voire à la résiliation des contrats manifestement illégaux ou qui procurent de manière injustifiée des avantages disproportionnés à certaines parties.[ii]

Global Witness s'est également déclarée préoccupée par la composition de la commission, qui se limite à des représentants de ministères et de départements gouvernementaux, et a recommandé la mise en place d'un mécanisme de surveillance indépendant chargé de protéger le processus contre d'éventuels actes de corruption et d'ingérence.

Recommandations de Global Witness relatives aux conditions minimales à respecter dans le cadre de l'examen des contrats :

  • Le gouvernement devrait publier tous les contrats faisant actuellement l'objet d'un examen et les mettre à disposition.
  • L'examen devrait porter sur tous les contrats visant le transfert d'actifs miniers ou l'octroi de concessions.
  • La commission devrait publier les termes de référence de l'examen et les critères employés pour l'analyse et l'évaluation des contrats. Tous les contrats devraient être évalués selon les mêmes critères.
  • La commission devrait chercher à recueillir des commentaires sur les contrats auprès d'un large éventail d'acteurs aux niveaux local, provincial, national et international, notamment auprès des organisations de la société civile et des populations vivant dans les zones minières.
  • L'examen devrait entre autres s'employer à étudier si les contrats et les circonstances dans lesquelles ils ont été signés sont conformes à la législation; les conséquences en matière des droits de l'homme et les implications sociales et environnementales des contrats, notamment pour les populations des régions concernées; et si la proportion dans laquelle les parts et les bénéfices sont attribués aux entreprises et à l'État (ou aux entreprises d'État) est équitable et raisonnable.
  • L'examen devrait tenir compte des informations contenues dans les rapports déjà publiés, notamment le rapport de la Commission Lutundula,[iii] les rapports d'organisations non gouvernementales, ainsi que des informations figurant dans des rapports tenus confidentiels, tels que les audits juridiques et financiers financés par la Banque mondiale.
  • La commission devrait procéder à cet examen selon un calendrier réaliste. Le délai actuel de trois mois pour l'analyse de 60contrats ne semble pas réaliste si l'on tient à procéder à un examen approfondi et à recueillir l'opinion de l'ensemble des parties.
  • Le gouvernement devrait veiller à ce que l'examen dispose de fonds adaptés et à faire connaître publiquement les sources de ce financement.
  • Un mécanisme destiné à assurer l'indépendance de l'examen devrait être mis en place et faire partie intégrante du processus. Ce mécanisme pourrait revêtir la forme d'un organe de surveillance distinct, composé d'un petit nombre d'experts internationaux indépendants et de représentants de la société civile dotés, qui auraient plein accès à l'ensemble des contrats et émettraient des conseils.
  • Les membres de la commission devraient résister aux tentatives d'ingérence, de pression ou de corruption exercées par des entreprises ou des individus concernés par les contrats et signaler toute tentative éventuelle de dénaturer le déroulement de l'examen.
  • L'ensemble des résultats et des recommandations de l'examen devraient être rendus publics.

Pour tout renseignement complémentaire, contacter Carina Tertsakian au +44 207 561 6372.

Note à l'attention des équipes de rédaction :

Global Witness est une organisation non gouvernementale indépendante qui enquête sur les liens entre l'exploitation des ressources naturelles, les conflits et la corruption, et qui mène des campagnes dans ce domaine.

Toutes les publications de Global Witness peuvent être consultées à l'adresse www.globalwitness.org

 


[i] Arrêté ministériel n° 2745/Cab.min/Mines/01/du 20/04/2007 portant mise sur pied de la commission ministérielle chargée de la revisitation des contrats miniers.

[ii] Un précédent intéressant a été créé récemment au Liberia avec la renégociation d'un contrat portant sur du minerai de fer conclu avec Mittal Steel, le numéro un mondial de l'acier. La présidente libérienne Ellen Johnson Sirleaf a démontré qu'il était possible de renégocier les gros contrats pour que le pays en dégage des conditions et des bénéfices bien meilleurs. Comme c'est le cas de nombreux contrats passés en RDC, le contrat conclu avec Mittal avait au départ été signé par un gouvernement de transition non élu, pour être ensuite révisé après l'élection d'un nouveau gouvernement. Pour plus d'informations, veuillez vous reporter au communiqué de presse « Mittal Steel did the right thing - will Firestone? » du 30 avril 2007.

[iii] La commission parlementaire connue sous le nom de Commission Lutundula a été chargée de passer en revue les contrats économiques et financiers signés en RDC pendant la guerre. En juin 2005, elle a rendu un rapport détaillé qui concluait que de nombreux contrats miniers signés entre 1996 et 2003 étaient illégaux ou d'une valeur limitée pour le développement du pays. Près de deux années plus tard, le rapport de la Commission n'a toujours pas fait l'objet d'un débat devant l'Assemblée nationale et le gouvernement n'a pas non plus pris de mesures en conséquence.