Communiqué de presse / 15 Août 2005

Réformes sur la transparence en République du Congo: quels critères d'évaluation par le FMI?

La coalition Publiez ce que vous Payez est préoccupée par le fait que le FMI ait donné son feu vert en vue d`une avancée importante vers une remise de dette majeure pour la République du Congo, même si les propres chiffres du gouvernement révèlent des centaines de millions de dollars de décalages inexpliqués.1

Bien qu`il ait perçu presqu`un milliard de dollars en recettes pétrolières en 2004, la République du Congo demeure un des pays les plus pauvres et les plus endettés au monde : ces recettes n’ont pas bénéficié aux populations congolaises.2 Le gouvernement est actuellement en train de demander une remise de dette à la communauté internationale. Des mesures visant à apporter plus de transparence dans la gestion opaque des revenus pétroliers du Congo se trouvent au cœur du programme de réformes du FMI et de la Banque Mondiale. Ces réformes visent à ce que cet argent soit investit dans la croissance et la réduction de la pauvreté.

Sommé par la société civile congolaise et la communauté internationale de procéder à des réformes, le gouvernement a fait de nombreuses déclarations sur son engagement envers une transparence accrue dans le secteur pétrolier. Il a également publié une grande quantité d`informations portant sur la manière dont la compagnie pétrolière nationale, la Société Nationale des Pétroles du Congo (SNPC), gère la manne pétrolière du pays.3

Toutefois, les analyses des informations présentées au FMI par Publiez ce que vous Payez révèlent que le schéma de secret et de mauvaise gestion systématique, qui a caractérisé jusqu'à présent le secteur pétrolier, n`a que peu évolué. En 2004 notamment, les certifications trimestrielles des revenus pétroliers menées par un auditeur indépendant semblent excéder d`environ 300 millions de dollars les propres relevés du Ministre des Finances. En bref, environ un tiers des revenus pétroliers congolais de 2004 semble ne pas apparaître dans le budget.

Néanmoins, le 3 Août, le premier examen des performances du Congo, dans le cadre du programme de Réduction de la Pauvreté et pour la Croissance du FMI et de la Banque Mondiale, a reconnu les progrès du pays vers le point de décision en vue d`une remise de dette majeure de la part de ses créanciers officiels (totalisant les deux-tiers de sa dette totale)4. Le FMI cite “une amélioration notable de la gouvernance”, comprenant “une avancée vers plus de transparence en ce qui concerne les opérations du secteur pétrolier”.5

“Nous sommes extrêmement préoccupés par le fait que la République du Congo se soit vu attribuée un bulletin de bonne conduite par le FMI et la Banque Mondiale. Nous n’espérons pas que cette décision soit représentative de la volonté des institutions internationales d’introduire des authentiques réformes portant sur la transparence, dans des pays parmi les plus pauvres du monde, bien que riches en ressources naturelles’ a déclaré Henry Parham, porte-parole international de Publiez ce que vous Payez. “Cette année, le G8 a explicitement reconnu « qu'une saine gouvernance, [que] la responsabilisation et la transparence sont essentielles afin de profiter des bienfaits de l'annulation de la dette »6. Le Fond a en outre une responsabilité particulière dans la mesure où il se doit d`assurer que l`argent des contribuables internationaux n`est pas attribué à un gouvernement dont le système comptable se caractérise par le secret et une gestion douteuse”.

Les analyses de ces données montrent que :

• Environ 300 millions de dollars ne paraissent pas être comptabilisés dans le budget de 2004. L’auditeur indépendant chargé d`ajuster les décalages n’a pas eu accès aux informations bancaires appropriées, mais uniquement à des relevés préparés par la SNPC et le Ministère des Finances congolais.
• Les auditeurs ont trouvé que les comptes de la SNPC n`étaient “même pas auditables” (sic), pour la troisième année consécutive, avec un risque significatif de fraude dû à l`absence de contrôles internes.
• En 2004, la SNPC a vendu du pétrole congolais approximativement 6% en dessous de sa valeur sur le marché. De mauvais termes de vente combinés à de dispendieux prêts au court terme garantis sur le pétrole ont coûté au Congo 173 millions de dollars de ses revenus pétroliers (soit environ 17,5%) en 2004. En 2003, 20 millions de dollars ont été perdus lors de ventes de pétrole en dessous du prix du marché à Sphynx (UK) Ltd. Cette entreprise était à cette époque dirigée par Denis Gokana, ex-Conseiller Spécial du Président et actuel dirigeant de la SNPC (depuis Janvier 2005).
• Les obligations de la dette du gouvernement restent opaques. Les chiffres de l`audit de 2003 ne peuvent pas être réconciliés avec les autres données financières, et le bureau de la dette du gouvernement (Caisse Congolaise d’Amortissement) semble ne pas gérer la dette de la SNPC.
• Depuis qu`il a adhéré l`an dernier à l`Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE) - une initiative internationale visant à encourager la publication des paiements effectués par les industries extractives aux gouvernements - le gouvernement congolais n’a fait aucun progrès quant à la mise en oeuvre de cette initiative.7

“Bien que nous saluons chaleureusement la publication d`informations portant sur les revenus pétroliers, les problèmes de fond que ces chiffres révèlent doivent être traités avant qu`une décision irrémédiable ne soit prise au sujet de la dette”, avertit Christian Mounzeo, coordinateur de la coalition congolaise Publiez ce que vous Payez. “Les certifications trimestrielles des revenus perçus par la SNPC par un auditeur indépendant sont utiles, mais ne prouvent pas encore que tout l`argent entre réellement dans le budget. Etant donné ce qui ressort de nos analyses, le Congo devrait maintenant réaliser des progrès tangibles sur la manière dont il gère ses finances, notamment comment la compagnie pétrolière nationale est gérée, avant qu`une remise intégrale de dette ne soit accordée. La remise de la dette doit consacrer une transparence effective et sans équivoque”.

Pour plus d`information, contacter Henry Parham (+44 776 0268 959), Sarah Wykes (+44 207 561 6362/+44 7971 06 44 33) ou Christian Mounzeo (+242 557 78 45)

Notes :
1. La campagne Publiez ce que vous Payez a été lancée en Juin 2002 et compte désormais plus de 270 membres dans le monde entier (voir www.publishwhatyoupay.org ). La coalition pense que la transparence des revenus est une condition essentielle pour atténuer la pauvreté, promouvoir un développement juste et équitable, améliorer la responsabilité sociale des entreprises et réduire la corruption dans beaucoup de pays en voie de développement riches en ressources. La coalition demande que la réglementation boursière ainsi que les normes comptables internationales exigent des sociétés d’exploitation pétrolière, gazière et minière qu’elles publient pays par pays leurs versements nets aux gouvernements pour l’accès aux ressources.


2. Environ 70% de la population du Congo vit en dessous du seuil de pauvreté (République du Congo, Banque Mondiale, Country Brief, Avril 2005). De 65% à 70% des revenus du pays proviennent de l`exploitation pétrolière et la dette extérieure se chiffre à 8,57 milliards de dollars (fin 2003). Voir Revue du programme de référence et demande d'accord triennal au titre de la facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance - Rapport des services du FMI; déclaration des services du FMI... -- Rapport du FMI n° 05/7 -- 1 Janvier 2005, p. 40. En 2004, les revenus que le gouvernement tirait du pétrole s`élevaient à approximativement 970 millions de dollars (515 milliards de CFA). Ibid, p. 31. Selon une estimation publiée dans la Réconciliation, ces revenus s`élèveraient à 1,49 milliards de dollars (793 milliards de CFA) pour la fin de l`année 2005. Voir http://www.mefb-cg.org/petrole/certification_concordance.htm.

3. Ceci comprend la publication de certifications trimestrielles des revenus pétroliers par un auditeur indépendant (2003 à Q1 de 2005); les résumés annuels des opérations financières effectuées par la compagnie pétrolière nationale (SNPC) pour le compte de l’Etat; les tableaux des opérations financières de l`Etat; trois audits indépendants de la SNPC (audit partiel pour 1999-2001 et 2002, audit intégral pour 2003); et la Concordance entre les certifications trimestrielles des revenus pétroliers et les TOFE par un auditeur indépendant (2003 et 2004). Voir http://www.mefb-cg.org/petrole/gouv_transp.htm

4. FMI Heavily Indebted Poor Countries Initiative : Status of Implementation, 20 Août 2004, p.10, para.7.

5. IMF Executive Board Completes First Review Under the Republic of Congo`s PRGF Arragement and Approves US $11.41 Million Disbursement, Communiqué de presse du FMI 05/181, 3 Août 2005.

6. Ministres de Finances du G8, Conclusions sur le Développement, 10-11 Juin 2005, Londres.

7. L`Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE) a été lancée par le gouvernement britannique en juin 2003. Pour davantage d`informations, consulter www.eitransparency.org