Action contre l'impunité pour les droits humains (ACIDH)
Association Africaine de Défense des Droits de l'Homme/Katanga (ASADHO/Katanga)
Centre des Droits de l'Homme et du Droit Humanitaire (CDH)
Global Witness
Rights and Accountability in Development (RAID)
Pour publication immédiate :
Londres, R-U/Lubumbashi, RDC (12 mars 2007) : Cinq organisations non gouvernementales (ONG) congolaises et britanniques ont dénoncé le transfert du Colonel Eddy Nzabi Mbombo, Auditeur militaire dans le procès de Kilwa, comme faisant obstruction au processus judiciaire.
« Le procès de Kilwa représente un test décisif pour la détermination du nouveau gouvernement à faire cesser l'impunité. La question principale, c'est si le procès aura la possibilité de se dérouler sans subir de pression politique, » a déclaré Tricia Feeney, directrice exécutive de RAID.
Le procès de Kilwa porte sur des exécutions sommaires, des actes de torture, des viols et des pillages perpétrés par les Forces armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) au cours d'une opération visant à réprimer une rébellion de faible envergure dans la ville de Kilwa, dans le sud de la République Démocratique du Congo (RDC), en octobre 2004.
Le procès est important parce que parmi les accusés figurent non seulement des membres des FARDC - l'ancien Colonel Ademar Ilunga et huit de ses subordonnés - mais aussi trois anciens employés de la société minière internationale, Anvil Mining.
Le procès a été ralenti par des problèmes de procédure depuis décembre 2006. La nouvelle du transfert de l'Auditeur militaire Colonel Eddy Nzabi Mbombo le 24 février 2007 n'a fait qu'augmenter les craintes que le procès de Kilwa ne puisse pas garantir la justice aux victimes.
On peut craindre que le changement d'auditeur à ce stade du procès puisse entraîner de nouveaux retards du fait que le Lieutenant Colonel Kasongo Kyolwele n'est pas familiarisé avec les détails du dossier en cours.
Les ONG craignent aussi que les ingérences politiques et les conflits d'intérêts ne viennent compromettre l'indépendance de la cour et elles ont demandé au Président Kabila de protéger le respect pour la procédure. D'autres observateurs partagent ce point de vue, en particulier la division des droits de l'homme de la force de maintien de la paix des Nations Unies, la MONUC, qui en fait état dans son rapport le 8 février 2007 :
La MONUC a appris que l'Auditeur Militaire a été victime de pressions visant à lui faire classer sans suite les dossiers des employés d'Anvil Mining. La MONUC déplore toute ingérence et utilisera toutes les opportunités pour rappeler aux autorités concernées leur devoir de respecter l'indépendance du pouvoir judiciaire.[1]
En octobre 2006, le Colonel Eddy Nzabi Mbombo a renvoyé le dossier de Kilwa devant la Cour militaire du Katanga. Le Colonel Ademar Ilunga et ses subordonnés sont accusés de violations de la Convention de Genève et de ses Protocoles Additionnels. Les anciens employés d'Anvil sont accusés d'avoir « avec connaissance facilité la commission de crimes de guerre par Ilunga Ademar et ses hommes ».[2]
Au cours du même mois, ACIDH, RAID et Global Witness ont exprimé leur préoccupation après que l'Auditeur Nzabi Mbombo ait fait l'objet de pressions politiques à la suite de ses décisions de mises en examen. Dans l'appel urgent qu'elles ont lancé, les ONG ont appelé le Président Kabila et l'Auditeur militaire général à défendre l'Etat de droit et l'indépendance de la cour. Ces groupes ont également demandé au Directeur général d'Anvil Mining, Bill Turner, de faire preuve de son soutien pour que le procès se déroule sans ingérence politique, et de coopérer pleinement avec les autorités congolaises.[3]
Le Colonel Eddy Nzabi Mbombo, Auditeur militaire, a été remplacé par le Lieutenant Colonel Kasongo Kyolwele. Le Lieutenant Colonel Kasongo Kyolwele a travaillé comme conseiller pour Katumba Mwanke alors qu'il était gouverneur de la province du Katanga. Katumba Mwanka est un ancien membre du conseil d'administration d'Anvil Mining Congo. Il est également un proche conseiller du Président Kabila et un membre influent de son parti politique. En 2006, Katumba Mwanke a été élu membre de la nouvelle Assemblée nationale de la RDC.
Les ONG demandent au Président Joseph Kabila et aux autorités judiciaires supérieures du pays de :
- S'expliquer sur les raisons du transfert du Colonel Eddy Nzabi Mbombo à ce moment précis du procès de Kilwa ;
- S'assurer que le procès se déroule sans ingérence politique et dans le respect de la procédure ; et de
- Garantir que les droits des victimes à une procédure équitable et à un recours à la justice dans un délai raisonnable ne seront pas encore compromis.
Anvil Mining a confirmé avoir fourni une assistance logistique aux FARDC dans le cadre des événements qui se sont déroulés à Kilwa.[4] La société l'a fait après avoir été identifiée dans un documentaire australien relatant ces incidents. Anvil a déclaré que ses véhicules avaient été « réquisitionnés » et qu'en fait elle n'avait pas eu d'autre choix que d'obéir.[5] Que cela ait été le cas ou pas fait actuellement l'objet d'une enquête de la Police fédérale australienne.
Contacts avec les médias:
- Patricia Feeney, RAID: (+44) 1865-515-982, Mobile: (+44) 779-617-8447
- Carina Tertsakian, Global Witness: (+44) 207-561-6372
- Maître Serge Lukungu, ACIDH: (+243) 997-025-331
Pour plus d'information :
- Chronique du procès de Kilwa : http://raid-uk.org/work/kilwa_trial.htm
- Document d'information sur les événements de Kilwa et Anvil Mining :
http://raid-uk.org/docs/Press_Releases/Background_Brief_15_Oct_06.pdf - Communiqué de presse (15 octobre 2006) - "Congolese Military Judge Calls for the Prosecution of Former Anvil Mining Staff for Complicity in War Crimes": http://raid-uk.org/news/Anvil_15_Oct_06.htm
- Appel urgent de ACIDH/RAID/Global Witness (26 octobre 2006) - « L'auditeur militaire dans le procès de Kilwa est rappelé à Kinshasa : la tension politique monte après l'annonce de l'inculpation d'anciens employés d'Anvil Mining et de militaires congolais pour crimes de guerre et complicité dans la perpétration de ces crimes » :
http://raid-uk.org/docs/Anvil_Dikulushi/Urgent_Appeal_ENG.pdf - Communiqué de presse (12 décembre 2006) - "Trial begins for Congolese military and Anvil Mining ex employees accused of crimes related to the October 2004 Kilwa massacre".
http://raid-uk.org/docs/Press_Releases/PR_Kilwal_Trial_ENG_12DEC06.pdf - Pour plus d'information sur les événements de Kilwa : http://raid-uk.org/work/anvil_dikulushi.htm
[1] Division des Droits de l'Homme de la MONUC, "La situation des droits de l'homme en République Démocratique du Congo (RDC) : Au cours de la période de juillet à décembre 2006", 8 février 2007.
[2] L'acte d'accusation des anciens employés d'Anvil Mining précise : "Avoir, comme auteurs, coauteurs ou complices selon l'un des modes de participation criminelle prévus par les articles 5 et 6 du Code Pénal Militaire ; ...en omettant volontairement de retirer les véhicules mis à la disposition de la 62ème Brigade d'Infanterie dans le cadre de la contre-attaque lancée du 15 au 18 Octobre 2004 pour reprendre la Cité de Kilwa tombée deux jours auparavant aux mains du Mouvement Révolutionnaire pour la libération du Katanga ; MLRK en sigle ; avec connaissance, facilité la commission par le Prévenu Ilunga Ademar et ses hommes des infractions ci-après non justifiées par les lois et coutumes de la guerre..." Décision de renvoi, pp8-9.
[3] Appel urgent de ACIDH/RAID/Global Witness (26 octobre 2006) - "L'Auditeur militaire dans le procès de Kilwa est rappelé à Kinshasa : la tension politique monte après l'annonce de l'inculpation d'anciens employés d'Anvil Mining et de militaires congolais pour crimes de guerre ou complicité dans la perpétration de ces crimes":
http://raid-uk.org/docs/Anvil_Dikulushi/Urgent_Appeal_ENG.pdf
[4] Anvil Mining Limited, "Anvil Confirms Denial of Unfounded Allegations", News Release , 21 juin 2005.
[5] ibid
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