Communiqué de presse / 12 Décembre 2012

Les risques de corruption montrent que le FMI a eu raison d’arrêter son programme de prêts au Congo

(Traduction d’un communiqué originalement publié en anglais le 5 décembre 2012)

Les agences de presse Bloomberg et Reuters ont signalé que le Fonds monétaire international avait arrêté son programme de prêts à la République démocratique du Congo en raison d’inquiétudes quant à la transparence dans le secteur minier de ce pays. Bien que le Congo ait désespérément besoin de financements, Global Witness estime que les inquiétudes concernant la possible corruption dans le secteur minier congolais étaient si vives que la décision du FMI d’arrêter les prêts était justifiée.

Le programme global de prêts s’étalant sur trois ans s’élevait à plus de 500 millions de dollars, dont 200 millions n’avaient pas encore été versés. Le programme devait expirer le 10 décembre de cette année mais le Congo espérait une prolongation.

La raison immédiate invoquée par le FMI pour l’arrêt de ses prêts a été que les autorités congolaises ont omis de publier un contrat minier conclu en juin 2011. Ce mois-là, l’entreprise publique minière Gécamines a cédé 25 pour cent de la société minière Comide à Straker International Corp, enregistrée aux Îles Vierges Britanniques.

Le Congo avait promis au FMI et à la Banque mondiale qu’il publierait les contrats miniers signés entre les entreprises publiques et privées et qu’il publierait des informations détaillées concernant la propriété de ces sociétés. Il s’était également engagé à vendre ses actifs miniers par voie d’adjudication publique. Le Congo a donné suite à ces promesses en adoptant un décret en mai 2011 disposant que tout contrat relatif aux ressources naturelles serait publié dans un délai de 60 jours à compter de son entrée en vigueur.

Certes, Global Witness se réjouit de ces mesures prises par les autorités congolaises, mais il n’en demeure pas moins que bon nombre de contrats importants n’ont pas été publiés et que certains contrats qui ont été publiés font ressortir les risques de corruption que nous avons mis en lumière.

Global Witness s’est inquiétée de la façon dont, depuis fin 2009, des sociétés minières publiques ont vendu secrètement une série d’actifs dans le secteur du cuivre et du cobalt dans la province du Katanga extrêmement riche en minerais, sans adjudication publique et à des prix de vente souvent bien inférieurs aux valeurs commerciales estimées. Les entreprises qui ont acheté les actifs étaient enregistrées dans des paradis fiscaux – en particulier aux Îles Vierges Britanniques – qui gardent secret le nom des propriétaires et des administrateurs des sociétés. Dans la plupart des cas, si pas dans tous, ces entreprises étaient liées à Dan Gertler, un homme d’affaires ami du Président Joseph Kabila.

Après avoir acquis les actifs, les entreprises offshore ont ensuite souvent fait d’énormes profits en les revendant à des compagnies internationales ou en établissant des partenariats avec elles, en particulier avec les géants miniers Glencore et Eurasian Natural Resources Corporation (ENRC).  Ces deux sociétés sont cotées au FTSE 100 de la Bourse de Londres.

L’annonce de la décision du FMI d’arrêter son programme de prêts devrait mettre en évidence le besoin pour l’État congolais de veiller à ce que ses ressources naturelles soient vendues par voie d’adjudication publique. Glencore et ENRC devraient faire le point sur les craintes de corruption que suscitent leurs investissements au Congo et veiller à ce que toutes ces transactions fassent l’objet d’une enquête indépendante, avec publication de tous les résultats.

Les noms des bénéficiaires passés et actuels de toutes les entreprises dont Glencore et ENRC sont partenaires au Congo devraient également être publiés afin de contribuer à garantir publiquement que des fonctionnaires gouvernementaux corrompus ou leurs représentants ne figurent pas parmi les propriétaires secrets de ces sociétés partenaires.

Les autres bailleurs de fonds devraient également prendre acte de la situation et réduire leur aide au Congo pour la gouvernance jusqu’à ce que des mesures élémentaires anticorruption soient adoptées et qu’une réponse ait été apportée aux préoccupations relatives aux ventes d’actifs miniers au Katanga. Sans ces mesures, les prêts des pays donateurs visant à améliorer la gouvernance au Congo risquent fort de produire peu de fruits.

ENRC, Glencore et les représentants de M. Gertler ont tous défendu le caractère honnête des transactions auxquelles ils ont participé au Congo. M. Gertler et Glencore ont par ailleurs contesté le fait que les sociétés de M. Gertler avaient acquis des actifs miniers pour des montants bien inférieurs à leurs valeurs commerciales. De même, le gouvernement congolais et la Gécamines ont défendu leur façon d’agir, le ministre congolais des Mines, Martin Kabwelulu, affirmant à Bloomberg lundi que le gouvernement avait publié toutes les informations requises.

On ignore si M. Gertler a des intérêts dans Straker, la société qui a acquis 25 pour cent de Comide. On sait toutefois que M. Gertler est partenaire dans le partenariat minier global, car Camrose – dont près de la moitié des actions sont détenues par M. Gertler – est actionnaire de Comide. Des documents de la compagnie provenant des Îles Vierges Britanniques montrent que Straker a été enregistrée par Trident Trust, qui a enregistré d’autres entreprises liées à M. Gertler.

ENRC est également partenaire dans la mine de Comide et à ce titre, elle devrait également jeter la lumière sur les transactions qui posent question au FMI et sur la propriété de son partenaire de joint-venture Straker.

Contact: Daniel Balint-Kurti – Responsable de campagne, République démocratique du Congo ; tél. 0207 492 5872 ; 07912 517 146.

Notes à l’intention des équipes de rédaction

1. Le porte-parole de M. Gertler a évoqué à Global Witness la possibilité de mener un audit conjoint sur les bénéficiaires de certains des intérêts liés à M. Gertler et à sa famille. Global Witness a déclaré à plusieurs reprises qu’elle serait heureuse de discuter de cette possibilité. La réponse la plus récente du porte-parole de M. Gertler à ce sujet remonte au 22 juin de cette année, date à laquelle il a signalé qu’il allait « en discuter plus à fond avec mon client ». Depuis lors, Global Witness n’a reçu aucune communication à ce sujet des représentants de M. Gertler.

2. Les documents d’enregistrement de Straker International Corp. aux Îles Vierges Britanniques peuvent être consultés ici. Des autres documents d’enregistrement des Îles Vierges Britanniques montrent que  Trident Trust était également l’agent agréé de Rowny Assets Ltd et de Biko Invest Corp, deux sociétés liées à M. Gertler qui sont devenues partenaires de Glencore dans deux mines congolaises début 2011.

3. Le mémo du 9 mai adressé par Global Witness aux actionnaires de Glencore peut être consulté ici. Notre mémo du 12 juin adressé aux actionnaires d’ENRC peut être consulté ici.

4. Global Witness a envoyé un courriel à un porte-parole de M. Gertler le 4 décembre au soir, demandant si M. Gertler était le propriétaire de Straker International Corp., et dans le cas contraire, s’il avait un lien quelconque avec cette société. Nous actualiserons cette information si nous recevons une réponse.

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