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Les compagnies forestières industrielles et les agents de l’État utilisent systématiquement les permis de coupe communautaires de manière abusive pour détourner le gel imposé par la République démocratique du Congo (RDC) sur l’attribution de nouvelles concessions forestières, affirme un nouveau rapport de Global Witness.
Les « permis de coupe artisanale » sont conçus pour permettre aux communautés congolaises d’exploiter leurs forêts à petite échelle. Toutefois, dans la pratique, ces permis sont utilisés par des exploitants forestiers étrangers désireux de profiter des forêts congolaises à une échelle industrielle, essentiellement pour des acheteurs en Chine.
La RDC est le deuxième pays forestier au monde et 40 millions de Congolais dépendent de la forêt pour leurs revenus, leur nourriture, leurs matériaux de construction ou leurs médicaments. Cependant, des décennies marquées par la faiblesse des lois et du gouvernement ont permis aux compagnies forestières de piller les forêts, les communautés n’en retirant guère de bénéfices. Un gel imposé en 2002 sur la création de nouvelles concessions forestières avait pour objectif de stopper l’expansion de l’exploitation forestière industrielle en attendant la réalisation des réformes promises de longue date dans le secteur. Cependant, cette utilisation abusive des permis artisanaux a donné aux agents de l’État et aux exploitants un moyen de continuer à ouvrir de vastes étendues de forêts à une exploitation industrielle.
« La porte qui permet d’accéder aux forêts de la RDC a été fermée aux nouveaux exploitants industriels, mais ceux-ci passent directement par la fenêtre », a déclaré Colin Robertson, responsable des campagnes dans le domaine des Forêts à Global Witness. « Les permis de coupe artisanale sont prévus pour une exploitation à petite échelle par les communautés congolaises cherchant à améliorer leurs moyens de subsistance. En réalité, ces permis sont détournés par des entreprises qui veulent mettre la forêt à nu sans guère se soucier du coût environnemental ou humain. »
Le rapport, intitulé « L’art de l’exploitation forestière industrielle en RDC », révèle que 146 permis de coupe artisanale ont été délivrés à des exploitants dans la seule province de Bandundu depuis 2010, affectant ainsi une zone de la taille de 11 000 terrains de football. Le mode de délivrance et d’utilisation de ces permis porte généralement atteinte au droit et aux réglementations forestiers de la RDC, et ce, pour dix raisons différentes. Tous les permis que Global Witness a consultés constituent explicitement une « autorisation de coupe industrielle de bois d’œuvre ».
La plupart des exploitants forestiers ciblent le wengé, un bois dur précieux très prisé en Chine, où il entre dans la fabrication de revêtements de sol et de meubles, lesquels sont souvent exportés vers l’Europe et l’Amérique du Nord. Le wengé figure sur la Liste rouge de l’UICN des espèces menacées, et son exportation a récemment été interdite par le Cameroun.
Le droit forestier de la RDC stipule que deux permis de coupe artisanale au maximum peuvent être octroyés chaque année à des personnes physiques congolaises équipées d’une scie en long ou d’une tronçonneuse mécanique. Mais Global Witness a découvert que jusqu’à 12 permis de coupe artisanale sont attribués par an à des compagnies forestières étrangères qui pénètrent dans les forêts munies d’équipements lourds tels que des bulldozers et des chargeuses de billes.
« Les autorités congolaises ont régulièrement enfreint leurs propres lois en délivrant ces permis de coupe », commente Colin Robertson. « Cela devrait susciter de l’inquiétude parmi tous les acheteurs de bois dur de RDC qui veillent à respecter les législations des États-Unis et de l’UE contre l’importation de bois d’œuvre illégal. »
Un avant-projet de décret sur les forêts communautaires permettrait aux communautés de s’impliquer davantage dans la gestion des forêts et de bénéficier d’une exploitation artisanale gérée correctement. Cependant, le décret attend la signature du Premier ministre de la RDC depuis 2010.
« L’utilisation abusive de ces permis fait que le gel imposé à l’attribution de nouvelles concessions forestières est mis à mal et que de nouvelles zones de la forêt tropicale congolaise sont ouvertes aux entreprises. Il s’agit là d’une très mauvaise nouvelle pour ces forêts ainsi que pour les personnes qui en dépendent », a précisé Colin Robertson. « Le gouvernement congolais doit de toute urgence mettre un terme à cette utilisation abusive du système, signer le décret sur les forêts communautaires attendu de longue date et s’assurer que le droit forestier soit respecté à la fois par les exploitants et ses propres agents. »
Note à l’attention des journalistes et des équipes de rédaction :
(1) Le rapport peut être consulté dans son intégralité à l’adresse suivante.
(2) Un gel – communément appelé « moratoire sur l’attribution de nouvelles concessions forestières » – a été annoncé en 2002, et est paru dans le Journal officiel du pays en 2005.
(3) Le wengé ou Millettia Laurentii figure parmi les espèces menacées recensées par l’Union internationale pour la conservation de la nature dans sa Liste rouge mondiale des espèces menacées – www.iucnredlist.org.
(4) Global Witness travaille depuis plus de 15 années sur la transparence du secteur forestier et l’exploitation forestière illégale. Pour de plus amples renseignements sur nos travaux dans le domaine forestier, veuillez cliquer ici.
Contact :
Colin Robertson : +243 991 386 482, [email protected]
Reiner Tegtmeyer : +243 822 189 044, [email protected]
L’ONG environnementale congolaise Réseau Ressources Naturelles (RRN) se tient également à disposition pour émettre des commentaires sur la question. Veuillez contacter Joseph Bobia : +243 8 18 14 85 39 / +243 9 98 18 21 45