Press release | 6 Août 2020

Un méga-accord entre la Gécamines et la compagnie d’État chinoise CNMC visant l’un des fleurons des mines de cuivre de la RDC risque de léser le pays

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Global Witness révèle aujourd’hui qu’un accord de 800 millions USD relatif à l’une des mines de cuivre constituant un « fleuron » pour la République démocratique du Congo (RDC) risque de léser le pays. En violation du code minier congolais, les principaux détails de ce méga-accord signé entre la Gécamines, la compagnie minière congolaise publique, et China Nonferrous Metal Mining Group (CNMC) n’ont toujours pas été publiés. Notre analyse conclut que les rares informations disponibles soulèvent plus de questions qu’elles n’apportent de réponses sur la valeur financière du projet pour la RDC.

CNMC, grande entreprise publique chinoise, et la Gécamines ont conclu en 2015 un accord relatif à la mine de cuivre et de cobalt de Deziwa, potentiellement gigantesque, située dans le sud de la région congolaise du Copperbelt, dans le cadre d’un marché encore plus conséquent de 2 milliards USD visant cinq projets différents. L’enquête qu’a consacrée Global Witness aux marchés conclus par CNMC avec la Gécamines a révélé l’existence d’accords opaques et aux modalités douteuses. Citons notamment un pas-de-porte devant être versé à la Gécamines pour le projet Deziwa qui pourrait finalement ne se monter qu’à 50 % du chiffre promis à la compagnie aux termes du contrat.

Global Witness a également mis en évidence des informations au sujet d’un intermédiaire, Siu Kam Ng, qui en 2016 a accordé une interview aux médias dans laquelle il affirmait avoir adressé, il y a quelques années, des paiements suspects à des fonctionnaires congolais pour faciliter l’accès de CNMC au secteur minier du pays. Notre enquête montre que cet intermédiaire, bien qu’il ne soit pas impliqué dans l’accord Deziwa, détient actuellement des participations significatives dans des entreprises minières de CNMC en RDC, ce qui soulève des questions concernant les activités de la compagnie dans ce pays.

« Les accords conclus par la Gécamines avec CNMC concernant des licences couvrant d’énormes réserves de cuivre sont extrêmement opaques. Résultat : la population congolaise ignore tout des avantages qu’elle pourra tirer de ses ressources, et elle pourrait se retrouver lésée », a commenté Jean-Luc Blakey, responsable de campagne à Global Witness.

L’unique contrat disponible dans le domaine public concernant le projet Deziwa, et que Global Witness a analysé, n’est en réalité qu’un document d’accompagnement indiquant les paramètres généraux de l’accord. Les détails complets se trouvent quant à eux dans une série de sous-contrats et d’amendements gardés secrets, et ce, alors que la RDC est tenue de les publier en vertu des législations minières du pays.

La mine de Deziwa est entrée en production en janvier 2020, plus ou moins au moment où CNMC ouvrait une raffinerie de cuivre de grande ampleur dans la province du Lualaba. Depuis 2012, CNMC a acquis des droits relatifs à des permis dans différents lieux de la ceinture de cuivre et de cobalt de la RDC. L’ampleur de ces acquisitions et des nouvelles opérations a catapulté CNMC dans le peloton de tête des producteurs de cuivre de la RDC.

La collaboration de CNMC avec la Gécamines, cruciale pour la réussite de la compagnie chinoise en RDC, a contribué à en faire un acteur majeur du secteur du cuivre congolais. Ce rapport réunit pour la première fois des renseignements détaillés sur le partenariat entre ces deux sociétés.

« L’analyse que Global Witness a consacrée aux transactions de CNMC avec la Gécamines a révélé que le secret contractuel et d’entreprise, la présence d’intermédiaires au profil surprenant et la conclusion de marchés douteux par l’État congolais restent une réalité pour le secteur du cuivre de la RDC », a ajouté Jean-Luc Blakey.

Le cuivre est un composant clé dans un grand nombre de technologies renouvelables susceptibles de contribuer à la lutte contre la crise climatique, de même que le cobalt, sous-produit résultant de la l’exploitation du cuivre. Ces deux matériaux pourraient jouer un rôle majeur dans un avenir durable et plus équitable, à condition d’être gérés de manière responsable.

« Les réserves minières de la RDC devraient placer ce pays au cœur de la révolution des énergies renouvelables, et elles pourraient représenter pour lui une source de revenus importante. Or, comme le démontre ce rapport, on ne sait pas grand-chose de la manière dont ces minerais sont vendus et des bénéfices que la population congolaise pourra véritablement en dégager », a conclu Jean-Luc Blakey.

Global Witness exhorte Gécamines à respecter la législation congolaise et à publier tous les contrats et accords conclus avec CNMC, y compris les modèles financiers et les projections relatives au projet Deziwa.

Ces dernières années, le gouvernement chinois a introduit des réglementations, des directives et des initiatives pour réduire le risque environnementaux, sociaux et de corruption, des investissements chinois à l’étranger. À ce titre, CNMC devrait veiller à ce que tous ses investissements en RDC respectent le code minier congolais ainsi que les directives gouvernementales chinoises, et exhorter son partenaire local, la Gécamines, à publier tous les contrats régissant ses marchés. CNMC devrait aussi donner des précisions sur les relations qu’elle entretient avec les courtiers et les intermédiaires en RDC et fournir des informations détaillées sur l’origine de la totalité de son cuivre et de son cobalt. 

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Contacts

Infos pour les journalistes:

CNMC

China Nonferrous Metal Mining Group (CNMC) est une compagnie d’État chinoise créée en 1983. Grande entreprise très diversifiée, ses filiales disposent d’opérations dans les secteurs des mines, des fonderies, des raffineries, de la construction, de l’ingénierie, et des services de négoce et technologiques. L’une des premières sociétés chinoises à avoir mis en œuvre la stratégie du « Going Out », elle opère désormais dans plus de 80 pays.

Gécamines

La Gécamines, fondée en 1966, est la compagnie minière d’État de la République démocratique du Congo. C’est au milieu des années 1980 qu’elle a enregistré sa plus forte productivité. Depuis, elle a vendu un grand nombre de ses actifs et conclu des joint-ventures avec des partenaires étrangers. Elle a été accablée par des allégations de corruption et de mégestion et aurait notamment vendu en secret des concessions représentant plusieurs milliards à des initiés à des prix défiant toute concurrence, détourné des dizaines de millions de dollars de recettes minières au profit de fonctionnaires véreux, et elle n’aurait pas versé les salaires de son personnel ni investi dans son propre développement.

Siu Kam Ng

Siu Kam Ng a précédemment servi d’intermédiaire à CNMC. Négociant minier originaire de la province chinoise du Fujian, il aurait quitté Hongkong pour s’installer en Afrique du Sud à la fin des années 1990, avant de venir en Zambie puis en RDC en quête de minerais, où ses affaires ont prospéré. Il est actionnaire de filiales de CNMC en RDC, à savoir Huachin Leach Metal SA, CNMC Huachin Mabende et Silverback Resources Sarl.

La mine de Deziwa

La production à Deziwa a été officiellement lancée en janvier 2020. Avant de passer sous le contrôle de CNMC, Deziwa était en cours de développement dans le cadre d’un partenariat entre la Gécamines et Platmin Congo. Gécamines a repris le plein contrôle de Deziwa en rachetant les parts de son partenaire grâce à un prêt de près de 200 millions USD contracté en 2012 auprès d’une compagnie appartenant au magnat minier sujet à controverse, Dan Gertler. La Gécamines aurait fini par ne plus rembourser son prêt en 2015 et conclu un accord secret, cédant à l’une des compagnies offshore de Gertler ses droits à percevoir des redevances provenant d’un autre projet minier, Kamoto Copper Company (KCC), qui avait servi de garantie à ce prêt. 

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