Embargo de publication jusqu'à minuit heure de Londres Mercredi 30 Mai 2012
La reprise des violences dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) montre que les entreprises et les gouvernements doivent de toute urgence remettre de l’ordre dans le commerce des minerais provenant du Congo, a déclaré Global Witness dans un nouveau rapport publié aujourd’hui.
Le rapport, intitulé Pour un commerce plus propre – Comment le contrôle des chaînes d’approvisionnement peut empêcher le commerce des minerais du Congo d’alimenter les conflits, est basé sur des recherches menées sur le terrain dans les provinces congolaises des Kivus, en proie depuis plus de dix ans à un conflit alimenté par les minerais.
Les recherches révèlent que certaines entreprises ont commencé à mettre en place des contrôles de leurs chaînes d’approvisionnement – c’est-à-dire à exercer un devoir de diligence – tandis que d’autres refusent de le faire. Au début de ce mois, le gouvernement congolais a suspendu deux comptoirs d’exportation de minerais soupçonnés de ne pas appliquer comme il convient le principe de diligence raisonnable.
« Le Conseil de sécurité de l’ONU et l’OCDE ont établi des normes claires relatives au devoir de diligence appliqué aux chaînes d’approvisionnement à l’intention des firmes qui utilisent des minerais provenant du Congo. Il incombe maintenant aux entreprises de s’y conformer », a expliqué Sophia Pickles, chargée de campagne à Global Witness. « En procédant à des contrôles approfondis de leurs chaînes d’approvisionnement, les firmes ont la possibilité de priver de fonds les groupes armés qui commettent des exactions et de contribuer à instaurer la stabilité dans l’une des régions les plus pauvres et les plus incertaines du monde. »
Les progrès amorcés dans les Kivus risquent toutefois d’être mis en péril par une nouvelle rébellion menée à l’instigation du général de l’armée congolaise Bosco Ntaganda. Le rapport explique comment Ntaganda, un seigneur de guerre professionnel recherché par la Cour pénale internationale, s’est emparé du contrôle de quelques-unes des zones minières les plus riches de la région, mettant sur pied un trafic extrêmement lucratif de minerais du conflit avant de se mutiner en avril dernier. Global Witness estime qu’il est fort probable que les revenus du trafic auquel s’est livré le général sont utilisés pour financer les combats actuels.
« Depuis longtemps, Global Witness, le Groupe d’experts de l’ONU et d’autres attirent l’attention sur les risques encourus lorsque les réseaux mafieux existant au sein de l’armée congolaise sont autorisés à détourner à leur profit le commerce des minerais. Il est crucial que le gouvernement congolais mette un terme à l’impunité qui prévaut en engageant des poursuites à l’encontre des officiers supérieurs responsables », a fait remarquer Sophia Pickles.
Les gouvernements de la région et d’ailleurs doivent rendre obligatoire le respect des normes internationales conçues pour rendre plus propre le commerce des minerais provenant du Congo. Ce besoin est particulièrement urgent aux États-Unis. En juillet 2010, le Congrès a voté une disposition – la section 1502 de la loi Dodd Frank – qui exige que les entreprises utilisant de l’étain, du tantale, du tungstène et de l’or provenant du Congo et des pays voisins exercent un devoir de diligence et rendent compte publiquement de leurs conclusions. Néanmoins, l’organisme fédéral américain de réglementation et de contrôle des marchés financiers, la SEC (Securities and Exchange Commission), n’a pas émis la réglementation nécessaire pour compléter la loi, avec pour effet que les entreprises ne la mettent pas en œuvre.
« La crise dans l’est du Congo requiert une réaction de la part de la SEC et de l’administration Obama », a souligné Sophia Pickles. « La SEC a plus de 18 mois de retard pour la publication de sa réglementation relative aux minerais des conflits. Cela entrave les efforts visant à mettre fin au commerce des minerais des conflits. L’est du Congo a besoin que des mesures soient prises et il est grand temps que la Maison-Blanche intervienne et oblige le régulateur à faire son travail. »
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Pour tout renseignement complémentaire, veuillez contacter : Sophia Pickles +44 (0) 7703 108449 [email protected] ; Mike Davis, +44 (0) 7872 600860, [email protected]
Notes aux rédacteurs :
1. Le Guide de l’OCDE sur le devoir de diligence pour des chaînes d’approvisionnement
responsables en minerais provenant de zones de conflit ou à haut risque peut être consulté sur : http://www.oecd.org/dataoecd/62/33/46741124.pdf.
2. Le guide de l’ONU ‘Due diligence guidelines for the responsible supply chain of minerals from red flag locations to mitigate the risk of providing direct or indirect support for conflict in the eastern part of the Democratic Republic of the Congo’, rédigé par le Groupe d’experts de l’ONU sur la RDC et approuvé par le Conseil de sécurité de l’ONU en 2010, peut être consulté sur : http://www.un.org/News/dh/infocus/drc/Consolidated_guidelines.pdf.
3. Un arrêté ministériel du gouvernement congolais pris en février 2012 a incorporé les normes de l’OCDE sur le devoir de diligence dans la législation nationale. Les entreprises opérant dans le secteur des minerais de la RDC à tous les niveaux de la chaîne d’approvisionnement sont légalement tenues d’exercer un devoir de diligence et de procéder à des contrôles conformément aux normes de l’OCDE. Voir Arrêté ministériel N.0057.CAB.MIN/MINES/01/2012 du 29 février 2012 portant mise en œuvre du mécanisme régional de certification de la Conférence Internationale sur la Région des Grands-Lacs « CIRGL » en République Démocratique du Congo, Article 8.
4. Le 15 mai 2012, le Ministre national congolais des Mines, Martin Kabwelulu, a adressé une lettre de suspension à deux négociants en minerais, TTT Mining (exportant sous le nom de CMM) et Huaying Trading Company, tous deux basés dans la province du Nord-Kivu, dans l’est de la RDC. La lettre accuse les deux négociants d’avoir acheté des minerais sans exercer un devoir de diligence sur leurs chaînes d’approvisionnement afin de s’assurer que leurs achats n’avaient pas profité à des groupes armés ou à des unités de l’armée nationale congolaise. La lettre qualifie la décision de mesure préventive et donne l’ordre aux autorités provinciales du Nord-Kivu d’ouvrir une enquête.